La bataille de Bizerte
du 19 au 23 juillet 1961
racontée par le commandant de la 2ième compagnie du 3ième R.P.I.Ma, le lieutenant François CANN.
Les héros français du jour J
Le débarquement en Normandie fut une opération alliée : les ressortissants de plus d’une dizaine de pays ont participé à cette bataille. Et parmi eux, de nombreux Français, parachutistes, aviateurs, marins… sans compter les milliers de résistants.
Ils ont combattu pour la libération du territoire, mais aussi pour que la France regagne son rang parmi les grandes nations. Voici leur histoire… (cliquez sur l’image)
LES FANTOMES DU TONKIN – © temps noir
à la recherche des dépouilles des soldats morts pour la France
Le documentaire de Patrick Jeudy retrace la quête du capitaine Belmont, ancien combattant de la bataille de Diên Biên Phu, revenu, un an après, sur les lieux pour rechercher les corps de ses camarades morts au combat. Après l’avoir regardé, les historiens Jean-François Klein et Michel Bodin nous donnent leur avis.
Jean-François Klein
C’est un documentaire extrêmement poignant et très bien documenté qui s’appuie sur les archives du Service Historique de la Défense et de l’ECPAD, mais aussi sur des archives filmées par les Vietnamiens. Il permet d’évoquer la fin de Diên Biên Phu par un officier qui l’a vécue et qui retourne sur place. C’est à la fois une introspection et une mise en perspective des conséquences d’une guerre de très haute intensité. Envoyé seul sur le terrain, le capitaine Belmont est confronté, comme sur le champs de bataille de Verdun, à la difficulté d’identifier les corps, avec en plus, sous un climat tropical, la présence de la jungle qui, un an après, recouvre tout.
La diffusion de ce film intervient après que le Viêt-Nam a accepté, en 2023, de rendre neuf dépouilles à la France, retrouvées grâce aux fouilles réalisées sur le site du futur aéroport de Diên Biên Phu. Comme à Verdun, toute la région est un immense cimetière.
Michel Bodin
J’ai trouvé ce documentaire très original par l’angle adopté, sobre et poignant. À mon avis, il manque une carte pour situer Diên Biên Phu. On voit à quelle point la nature a été un piège pour les combattants. On parle toujours de la grande bataille, mais il faudrait dire que l’on se bat avant. Au 12 mars, les Français ont déjà perdu plus de 1 000 hommes. Le contraste entre cette guerre terrible et la vie d’avant, à l’époque où les gens avaient envie d’aller en Indochine, est très bien rendu.
20 mai 1941 – Opération Merkur : Les paras allemands sautent sur la Crète… et rien ne se passe comme prévu.
par Theatrum Belli
20 mai 2024
Les hommes de la 7e division aéroportée allemande, parachutés en Crète en mai 1941, découvrent rapidement qu’ils vont devoir combattre de toutes leurs forces contre de puissantes et tenaces troupes alliées.
Général Kurt STUDENT
Vers 7h15, le 20 mai 1941, la première vague d’assaut du XIe corps aérien allemand est larguée à proximité des villes crétoises de Maleme et La Canée. Les Allemands s’attendent à une légère résistance, et leur chef, le général Kurt STUDENT, a prévu une attaque rapide des terrains d’aviation, après avoir écrasé les faibles troupes grecques et britanniques défendant la côte nord. Au lieu de cela, les assaillants vont se trouver plongés dans une sanglante bataille d’usure.
À Maleme, deux compagnies du major KOCH, du 1er bataillon du régiment d’assaut parachutiste, ont atterri en planeur près de la plage, à l’embouchure de la rivière Travonitis, et se préparent à donner l’assaut à l’objectif vital qu’est la cote 107. Le terrain est défendu par des soldats néo-zélandais qui ont tiré sur les planeurs en train de se poser. Le terrain difficile a provoqué quelques atterrissages forcés et KOCH, qui a été rapidement blessé à la tête, se voit obligé, sous le feu de ses adversaires, à concentrer ses paras à l’extrémité ouest du terrain d’aviation de Maleme. Ses deux compagnies comptent plus de 100 hommes hors de combat, la moitié de leur force initiale. Le 3e bataillon du régiment d’assaut parachutiste a été largué au milieu des troupes néo-zélandaises défendant l’est de Maleme, et le saut s’est soldé par un véritable massacre. Au bout de 45 minutes, 400 des 600 paras sont morts ou blessés. Le chef du bataillon, le major SCHERBER, compte parmi les tués. Les 2e et 4e bataillons du régiment d’assaut parachutiste ont sauté sans rencontrer beaucoup d’opposition dans le sud et l’ouest du terrain d’atterrissage de Maleme. En tentant de renforcer les survivants du 1er bataillon, le général de brigade MEINDL, commandant le régiment d’assaut qui a atterri avec le dernier groupe, est sérieusement blessé. Au milieu de la matinée, il apparaît que l’attaque des paras allemands sur Maleme se solde par un échec.
Plus loin vers l’ouest, à La Canée, les Allemands ont rencontré une résistance semblable. Atterrissant en même temps que les paras de KOCH, les deux compagnies restantes du 1er bataillon tentent de détruire une batterie anti-aérienne et une batterie d’artillerie lourde. Leurs planeurs sont dispersés et la compagnie chargée de détruire la batterie anti-aérienne subit de lourdes pertes, sans pour autant réussir cette opération. En revanche, la compagnie qui attaque la batterie d’artillerie réussit à neutraliser les canons et à capturer 180 hommes. Le 1er bataillon du capitaine VON DER HEYDTE est parachuté en formation serrée dans le sud, près de la prison locale, puis avance vers l’est, en direction du village de Périvolia, où il rencontre une forte résistance. Plus au nord, le IIe bataillon est largué au sud-ouest du village de Galatas, et, malgré la perte de 150 hommes, réussit à menacer les positions néo-zélandaises sur les hauteurs de Galatas. Le 3e bataillon, parachuté en groupes dispersés à l’est de Galatas, est aussitôt attaqué par les Néo-Zélandais. Incapables de se regrouper, cette unité ne peut se déployer correctement. Un bataillon de génie, largué à l’ouest de la prison, rencontre une dure résistance de la part des soldats grecs.
Le 20 mai dans la matinée, une certaine confusion règne dans les rangs de la première vague d’assaut du XIe corps aérien du général STUDENT, qui a rencontré une résistance plus dure que prévue. Les pertes ont été lourdes, et bien que les Allemands de Maleme et ceux de La Canée ne soient séparés que de 13 km, ils sont incapables de se rejoindre. Plusieurs officiers supérieurs ont été tués, y compris le général de brigade SÜSSMAN, commandant la 7e division aéroportée, qui a péri avec plusieurs membres de son état-major lorsque son planeur s’est écrasé aussitôt après avoir décollé de Grèce. Le commandement à La Canée a été assuré par le colonel HEIDRICH. Les parachutistes allemands à Maleme et à La Canée ont subi une défaite. Et le reste du XIe corps aérien, arrivant avec la seconde vague d’assaut, risque de sauter directement dans le même enfer.
Les plans initiaux pour une attaque aéroportée sur la Crète ont été préparés par le général STUDENT au début d’avril 1941. STUDENT a persuadé un HITLER peu enthousiaste qu’il serait possible d’envahir la Crète grâce à une opération aéroportée éclair. Une invasion par mer était impossible du fait de la supériorité navale britannique, et toute action amphibie ne pouvait que venir renforcer une intervention aéroportée. STUDENT prépara avec ardeur l’opération MERKUR qui devait être lancée le 15 mai, mais ajournée au 20 mai.
Les forces aéroportées, les avions de transport et le support logistique furent très rapidement rassemblés. Le XIe corps aérien de STUDENT se compose de la 7e division aérienne avec trois régiments de trois bataillons chacun, du régiment d’assaut parachutiste avec quatre bataillons et de la 5e division de montagne du général de brigade RINGEL. Cette dernière remplace la talentueuse 22e division d’infanterie aérotransportée, alors déployées en Roumanie pour protéger les champs pétrolifères de Ploiesti. Beaucoup de paras ne possèdent pas l’expérience du combat, et les chasseurs de montagne n’ont pas été entraînés aux opérations aéroportées. Néanmoins, STUDENT a choisi d’utiliser des troupes de montagne, parce qu’elles sont habituées à combattre avec des armes légères en terrain accidenté. Les armes lourdes des paras sont larguées dans des gaines métalliques indépendantes, et jusqu’à ce qu’elles aient été récupérées, les soldats ne disposent que du léger pistolet-mitrailleur MP-38 et de pistolets Luger, limités en portée et en puissance de feu. L’intendance n’a pas eu le temps de fournir des uniformes tropicaux, si bien que les paras vont devoir combattre dans des uniformes de gros drap par un temps très chaud. Mais STUDENT peut compter sur un noyau d’officiers expérimentés tels que KOCH, MEINDL, BRÄUER et SCHULZ, qui ont déjà combattu lors d’opérations aéroportées en Hollande et en Belgique en mai 1940.
Pour transporter ses troupes, STUDENT dispose de 500 Junkers 52 et 8 planeurs DFS-1230. En soutien, un grand nombre de chasseurs et de bombardiers. Le renseignement allemand a signalé qu’il se trouve seulement 5 000 soldats britanniques et grecs en Crète, presque tous occupés à défendre les terrains d’atterrissage de Maleme, de Rétimo et de Hêraklion, tous situés le long de la côte nord de l’île.
Le plan définitif de l’opération Merkur dépend des contraintes logistiques et des objectifs liés aux possibilités de défense britanniques. Les 14 000 hommes de la 5e division de montagne, qui constituent les deux tiers de la force allemande, ne peuvent être débarqués qu’après la prise d’un terrain d’aviation. L’assaut initial revient donc aux 8 100 paras de la 7e division aérienne et du régiment d’assaut parachutiste. Il n’y a pas assez d’avions pour embarquer tous les paras, de sorte que STUDENT a organisé deux vagues d’assaut, la vague n°2 pouvant théoriquement être larguée huit heures après la vague n°1. Cette première vague, dont l’objectif est l’aérodrome de Malémé, constitue le groupe Ouest, formé du régiment d’assaut parachutiste de MEINDL moins deux compagnies. Le groupe Centre, commandé par SÜSSMAN, se compose du 3e régiment parachutiste, des bataillons antiaériens et du génie de la division, et de deux compagnies du régiment d’assaut parachutiste de MEINDL. Son objectif est de prendre le terrain autour de La Canée et de la baie de La Soude.
La vague n°2 se compose d’éléments restants du groupe Centre, deux bataillons du 2e régiment parachutiste qui devront atterrir à Rétimo, et du groupe Est. Ce dernier comprend le 1er régiment parachutiste augmenté d’un bataillon. Sa mission consiste à s’emparer du terrain d’aviation de Hêraklion, pour permettre à la 5e division de montagne d’atterrir.
Comme le service de renseignement allemand a estimé qu’il se trouve relativement peu de soldats britanniques en Crète, on suppose que la résistance sera limitée et que les équipages des premiers planeurs et les parachutistes pourront rapidement s’emparer des objectifs principaux. Malheureusement pour STUDENT et les hommes du XIe corps aérien, le service de renseignement a gravement sous-estimé les affectifs alliés en Crète. Le 20 mai, 27 500 soldats de l’Empire britannique et 14 000 soldats grecs, tous évacués de Grèce lors de la retraite, s’y trouvent en garnison. Ces troupes possèdent quelques armes lourdes mais peu de blindés et un équipement radio inadéquat ; elles constituent cependant une force déterminée, sous les ordres du général de brigade Bernard FREYBERG. Et les paras allemands vont atterrir au milieu des défenseurs originaires de l’île, britanniques, néo-zélandais et grecs.
Le 20 mai, durant plusieurs heures, STUDENT, dans son quartier général d’Athènes, n’a pas une idée très nette de la situation critique en Crète. La vague n°2 partira avec du retard à cause des nuages de poussière sur les pistes d’envol ; ce retard donnera le temps à la garnison alliée de consolider ses défenses. Le parachutage à Hêraklion est un désastre. Comme les Junkers 52 arrivent en formation dispersée et survolent en désordre les zones de saut, les soldats écossais de la Black watch (la Garde noire) peuvent faire du « tir aux pigeons » sur les paras en pleine descente, avant de traquer au sol les survivants. Le 2e bataillon du 1er régiment parachutiste a ainsi perdu plus de 400 hommes à l’ouest du terrain d’aviation. Les paras rescapés de ce massacre doivent lutter contre des chars et des chenillettes armées de mitrailleuses qu’ils sont incapables de neutraliser sans armes lourdes. Bientôt, la Black watch réalise l’importance des gaines métalliques larguées à part et plusieurs paras sont tués en tentant de s’en emparer.
Le 3e bataillon du 1er régiment est largué à l’ouest de Hêraklion, et rencontre moins de résistance, mais il va devoir livrer une rude bataille contre des soldats britanniques et grecs dans le centre de la ville. Le 2e bataillon du 2e régiment atterrit sans rencontrer d’opposition et bloque la route côtière. Le colonel BRÄUER, commandant du Ier régiment parachutiste et responsable de la prise de l’aérodrome de Hêraklion, se pose avec son 1er bataillon à l’est du terrain d’atterrissage, capturant la station de radio. Mais il est incapable de faire rapidement mouvement pour appuyer son 2e bataillon sur le terrain d’aviation, car certains éléments du 1er bataillon ont été largués trop tard, et ne peuvent atteindre leur objectif avant minuit. BRÄUER, peu à peu informé, se rend compte que ses bataillons dispersés et fort malmenés ne sont pas en mesure de contrôler le terrain d’aviation de Hêraklion.
À Rétimo, avec bien du retard, le 2e régiment parachutiste, sous les ordres du colonel STURM, a sauté sur une forte position défensive tenue par des soldats australiens et grecs et par la police crétoise, dans Rétimo même. Australiens et Grecs sont terrés dans les collines le long de la route côtière dominant l’aérodrome. Le 3e bataillon saute à l’est de Rétimo mais ne peut atteindre les principales positions australiennes. Il se regroupe rapidement et essaie d’occuper la ville. Plus à l’est, l’état-major régimentaire du 2e régiment parachutiste atterrit en plein sur la principale position australienne et se trouve sous un feu nourri. Plus de 80 paras sont fait prisonniers. Le 1er bataillon saute en ordre dispersé à l’est de ce point et se trouve aussi pris sous le feu des Australiens. En fin d’après-midi, le IIIe bataillon a lentement repoussé la police crétoise de Rétimo, mais à l’est, les unités dispersées du 1er bataillon essaient désespérément de repousser les Australiens hors des collines dominant l’aérodrome.
Dans l’après-midi et en fin de soirée, STUDENT, à Athènes, a pu prendre connaissance des rapports concernant la Crète. Tout indique que son plan d’opérations est sérieusement contrarié. En fin de soirée, il en conclut que la situation à Hêraklion est mauvaise. N’ayant, d’autre part, aucune nouvelle de Rétimo, il craint le pire. Mais il sait que le régiment d’assaut tient une partie de l’aérodrome de Maleme, et, tout en hésitant, il décide de renforcer son succès limité en transférant l’effort principal de l’est vers l’ouest. L’aérodrome de Malémé restant sous son contrôle, il pourra recevoir la 5e division de montagne, et la défense britannique en Crète sera alors repoussée vers l’ouest.
Les décisions prises par le commandement en chef des forces de l’empire britannique en Crète vont influer sur le cours de la bataille. FREYBERG, manquant de liaisons, ne peut pas réellement contrôler la bataille depuis son quartier général, si bien que toute initiative repose sur les commandements locaux. Pendant la nuit du 20 au 21 mai et dans la matinée suivante, les défenseurs ont l’occasion de contre-attaquer. Si cette opération avait été vigoureusement entreprise, les pars auraient été chassés de Malémé, rendant caduc le nouveau plan de STUDENT. Si les Australiens, à Rétimo, lancent une forte contre-attaque, empêchant effectivement les Allemands de s’emparer de l’aérodrome, ailleurs les défenseurs restent sans réaction, et, à Malémé, ils se retirent précipitamment. Le commandant du bataillon néo-zélandais tenant la cote 107, couvrant le terrain d’aviation de Malémé, décroche avec ses hommes pendant la nuit, estimant que ses soldats, épuisés, risquent d’être écrasés par les Allemands dans la matinée. En fait, à bout de forces, les paras du régiment d’assaut s’attendaient à être eux-mêmes attaqués, et sont agréablement surpris de trouver la cote 107 désertée par ses défenseurs à l’aube du 21 mai.
STUDENT, par contre, commence à envoyer par avion des approvisionnements et des renforts à Maleme, à l’ouest de la rivière Travinotis. Bien que les défenseurs continuent à mener le combat autour de Malémé, les paras se révèlent capables de pousser vers l’est, en direction de La Canée. En fin de soirée, un premier bataillon de la 5e division atterrit à Malémé. L’aérodrome se trouve encombré d’épaves de Junkers 52. Il faut déployer des prodiges d’organisation pour décharger les approvisionnements et acheminer les renforts sous un feu nourri. STUDENT remplace MEINDL, blessé par le robuste, impulsif et ambitieux colonel RAMCKE, un ancien mousse de la marine impériale qui commence une fulgurante carrière de parachutiste en sautant en plein combat sur Malémé.
Les paras, à Rétimo et à Hêraklion, continuent à combattre, repoussant les défenseurs et attendant du secours de Maleme. Durant toute la journée du 22 mai, les troupes de montagne atterrissent, bataillon après bataillon, sur l’aérodrome de Maleme et sont immédiatement envoyés vers l’est. RINGEL, le chef de la 5e division de montagne, se montre très actif en Crète. Avec la prise de Malémé, ce n’est plus qu’une question de temps pour enlever toutes les positions défensives. Les soldats de l’Empire britannique et les militaires grecs mènent une série de durs combats pour tenir Galatas, La Canée et la baie de La Soude, mais le 24 mai FREYBERG renonce à tenir la Crète, et le 27 mai la décision est prise d’évacuer l’île. Les parachutistes et les chasseurs de montagne allemands avance lentement vers l’est pour secourir les rescapés de la vague n°2 à Rétimo et à Hêraklion.
L’offensive en Crète a coûté aux Allemands 4 000 hommes et environ 2 400 blessés, tandis que 170 Junkers 52 et 40 chasseurs étaient détruits. Les soldats de l’Empire britannique comptent 4 000 tués, 2 500 blessés, et 11 800 hommes ont été fait prisonniers. Soldats grecs et policiers crétois sont presque tous captifs. Pour les parachutistes allemands, la bataille de Crète est une affaire sérieuse et sanglante. Les pertes sont particulièrement lourdes parmi les paras de la première vague qui ne s’attendaient pas à trouver une si forte résistance. Plusieurs officiers supérieurs état tués, blessés ou prisonniers, le commandement sur le terrain a été assuré par de jeunes officiers ou des sous-officiers. Les paras ont combattu par un temps très chaud, portant de lourds uniformes. Quant à leurs armes lourdes, elles étaient pour la plupart restées dans leurs gaines métalliques spéciales. STUDENT était assez souple pour changer son plan d’opérations, et assez chanceux pour réussir quand l’ennemi lui fournit une occasion de renforcer Malémé. Mais sans la supériorité aérienne écrasante de la Luftwaffe les opérations allemandes en Crète auraient été impossibles. Malgré cette victoire, Hitler, se montrant très troublé par les lourdes pertes des parachutistes, devait décider que plus jamais ils ne seraient utilisés pour une si grande opération aéroportée. Désormais, le rôle des paras allemands sera celui d’une troupe d’élite terrestre.
1er avril 1937
Création des groupes d’infanterie de l’air
« En 1931, les Soviétiques sont parmi les premiers à tester l’emploi de troupes aéroportées. Deux ans plus tard, une délégation de l’armée de l’Air conduite par le ministre de l’Air Pierre Cot visite l’Union soviétique pour découvrir ses installations aéronautiques. Lors de cette rencontre, les Français mesurent le potentiel opérationnel que peuvent offrir les parachutistes. Au printemps 1935, une nouvelle mission militaire, composée de quatre officiers dont deux aviateurs, les capitaines Durieux et Geille, est envoyée en URSS pour s’initier au parachutisme. Après ce stage de formation, l’armée de l’Air décide le 12 septembre 1935 de fonder à Avignon-Pujaut un centre d’instruction pour le parachutisme militaire. La direction de cette école est confiée au capitaine et pilote de chasse Frédéric Geille. Le 10 octobre suivant, douze volontaires sont accueillis dans ce centre aux conditions de vie spartiates. »
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Le Groupement de Commandos Mixtes Aéroportés (GCMA)
Le « 8 » en a fait partie sous l’appellation GCP ; le capitaine MOURIER a, plus tard, commandé le « 8 ».
Dans l’armée, c’était un nom.
Chez les Paras, c’est un « profil ».
Colonel Chateau-Jobert
Dans l’armée, c’était un nom.
Chez les Paras, c’est un » profil « .
Un homme modeste, avec une carrière exceptionnelle.
Chateau-Jobert est né à Morlaix – (« S’ils te mordent, mords-les ! ») le 3 février 1912. Il suit des études à Morlaix, au collège Stanislas à Paris puis à l’Institut polytechnique de l’Ouest. Après son service militaire en 1934-1935, il entre, comme sous-lieutenant de réserve, à l’Ecole d’application d’artillerie de Fontainebleau. Il est affecté au 154e RA à Tournoux, puis détaché à l’École d’observateurs en avion de Dinard.
Blessé le 13 juin 1940 au cours du repli de l’Ecole, il est soigné à Vannes d’où il s’évade pour embarquer, le 21 juin, à Saint-Jean-de-Luz sur un bateau de polonais à destination de l’Angleterre. Il s’engage dans les Forces françaises libres le 1er juillet à Liverpool sous le nom de Conan. Lorsque l’on évoque le nom de Conan, on pense tout de suite au capitaine, héros du roman éponyme de Roger Vercel. Mais ici, il s’agit du nom de guerre d’un grand soldat français, le colonel Pierre Chateau-Jobert. Peu connu du grand public, cet officier parachutiste a un parcours de combattant hors du commun.
Affecté comme lieutenant à la 13e DBLE, il participe à la campagne d’Erythrée. Pierre Chateau-Jobert, alias Conan, prend part ensuite, avec le 1er Régiment d’artillerie FFL, aux campagnes de Syrie et de Libye. Promu capitaine il prend en novembre 1943 le commandement du 3e RCP qui opère en petites unités dans divers endroits de la France encore occupée : Bretagne, dans le centre et région lyonnaise pour des opérations de commandos et de guérilla au bénéfice des maquis (80 embuscades, 46 sabotages et 45 coups de main) ; pour ces opérations, qui contribuent largement au succès des armées alliées d’invasion, le 3e RCP reçoit une citation à l’Ordre de l’Armée.
Chateau-Jobert crée le 1er avril 1945 le Centre Ecole de parachutisme militaire à Lannion. Chef de bataillon à la fin de la guerre, il crée en mars 1946 le Centre Ecole de parachutisme militaire de Pau-Idron.
En Indochine, il dirige de nombreuses opérations aéroportées au Cambodge, en Cochinchine et en Annam de décembre 1947 à juillet 1948, est parachuté en opération au Tonkin et dans le Sud-Vietnam (1950-1952). Il sert ensuite à l’Etat-Major des Forces terrestres, maritimes et aériennes d’Afrique du Nord à Alger (1953-1955) avant de commander avec le grade de colonel, à Constantine, le 2e RCP qui est parachuté à Port-Saïd et Port-Fouad lors de l’expédition franco-britannique à Suez, en 1956. En 1957, Chateau-Jobert commande à Bayonne la Brigade de parachutistes coloniaux En mai 1958, il soutient le mouvement en faveur du maintien de l’Algérie française et reste attentif aux événements.
Auditeur de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale et au Centre des Hautes Études Militaires (1959-1960), il est, en mars 1961, affecté au Niger pour le commandement des troupes du Niger Ouest. Le 22 avril 1961, à l’occasion du putsch déclenché à Alger, il affirme son appui au maintien de l’Algérie française. En octobre, il est affecté à l’Etat-Major du Préfet maritime de Cherbourg. En janvier 1962, il part clandestinement en Algérie pour y prendre le commandement de l’OAS de l’Est-Algérien. Il vit depuis l’indépendance de l’Algérie sept années de clandestinité en France et à l’étranger, recherché par toutes les polices, barbouzes et officielles, est condamné à mort par contumace en 1965 par la Cour de Sûreté de l’Etat. Profitant du décret d’amnistie de 1968, il rentre en France.
Sur le plan humain, Chateau-Jobert s’est préoccupé pendant de nombreuses années du problème de « l’action de tous les jours », celle qui doit mobiliser les énergies de tous pour participer à la construction d’une société meilleure. Son expérience sur les différents fronts extérieurs : Indochine, Algérie, Syrie… lui ont permis de forger une doctrine d’action à travers de nombreux ouvrages de doctrine d’action contre-révolutionnaire, parus aux éditions de Chiré et en autoédition.
Pierre Château-Jobert est décédé le 29 décembre 2005 à Caumont-l’Eventé dans le Calvados. Il est inhumé à Morlaix.
Le 16 mai 2001, le PC du 2e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (2e RPIMA) à l’île de La Réunion, héritier direct du 2e régiment de parachutistes coloniaux, est baptisé « PC Lieutenant-Colonel Chateau-Jobert ». Le 22 octobre 2010 un buste a été inauguré dans l’enceinte de l’Ecole des Troupes Aéroportées à Pau, non sans vives polémiques.
Ses citations :
- Commandeur de la Légion d’Honneur
- Compagnon de la Libération, décret du 28 mai 1945
- Croix de Guerre 39/45 (11 citations)
- Croix de Guerre des TOE
- Médaille de l’Aéronautique
- Médaille des Services Volontaires dans la France libre
- Médaille d’Or de l’Education Physique
- Distinguished Service Order (GB).
Albert Roche est le soldat français le plus décoré de la Première Guerre mondiale
Albert Roche est un véritable héros, un soldat modèle et un exemple de dévouement à sa patrie : réformé puis finalement engagé volontaire, blessé à neuf reprises au combat, déployé lors de la bataille du Chemin des Dames, il va capturer près de 1200 soldats allemands pendant la guerre ! Surnommé « le premier soldat de France » par le maréchal Ferdinand Foch, chef des forces alliées à l’Ouest, Albert est le soldat français le plus décoré de la Première Guerre mondiale ! Pourtant, il est aujourd’hui totalement oublié
Albert naît le 5 mars 1895 à Réauville (Drôme) dans une famille de cultivateurs. À 19 ans, il se porte volontaire pour la guerre, à l’été 1914. De nature chétive (il ne mesure 1m58), il est immédiatement renvoyé de l’armée. Peu importe : Albert sera soldat, il se l’est juré ! Il se présente de lui-même au 30e bataillon de chasseurs à Grenoble, où il est finalement jugé apte au service.
Après un entraînement difficile et peu apprécié de ses supérieurs, Roche sait qu’il ne sera jamais envoyé au front. Il décide de déserter et se laisser attraper sciemment : les déserteurs sont invariablement envoyés au front comme punition ! Devant l’officier qui lui demande les raisons de sa désertion, il tient ce discours : « Les mauvais soldats, on les expédie là-haut [au front], et moi je veux aller où l’on se bat. »
Il est muté au 27e bataillon de chasseurs alpins, combattant dans les Vosges. Ils sont surnommés les « diables bleus » par les Allemands à cause de leur pugnacité au combat dans leurs uniformes bleu nuit. Et la légende de Roche va débuter presque immédiatement. Un soir d’été 1915, un capitaine se présente dans sa section et demande 15 volontaires pour aller réduire un nid de mitrailleuses ennemi. Albert Roche se lève et se porte volontaire en demandant d’y aller avec seulement deux camarades, ce que l’officier accepte.
Roche, armé d’un revolver et de quelques grenades, s’approche de la tranchée allemande sans faire le moindre bruit : il fait exploser un poêle avec l’une des grenades, tuant plusieurs soldats ennemis. Effrayés, les autres soldats jettent leurs armes à terre ! Roche descend dans la tranchée, fait aligner les huit soldats allemands et leur intime de prendre la direction de la ligne française … en récupérant les mitrailleuses au passage !
Ce type d’opérations, Roche va le répéter des dizaines de fois pendant la guerre ! Ses officiers prennent l’habitude de lui laisser toute latitude. Alors Roche disparait, seul ou avec quelques camarades. Et revient avec des prisonniers. À CHACUNE DE SES SORTIES NOCTURNES !
Toutes ces actions lui valent bientôt les honneurs et le grade de soldat de 1ère classe le 15 octobre 1915. Fin 1915, il réalise un exploit qui le fait entrer dans l’Histoire, alors que l’artillerie allemande dévaste sa tranchée : il ramasse et installe les fusils de ses camarades morts, et les actionne tous, tour à tour, suffisamment rapidement pour que les Allemands, qui attaquaient, se replient, persuadés que les Français n’ont pas été tués par le feu roulant ! Roche vient de sauver des milliers de vies françaises en conservant la tranchée !!!
Mais la chance le quitte parfois : Roche est notamment capturé avec son lieutenant qui l’accompagne dans l’une de ses balades nocturnes ! Mais Roche n’est pas impressionné : il se saisit du pistolet de l’officier allemand qui l’interroge, l’abat à bout portant et charge son lieutenant sur ses épaules. Sortant de l’abri, il prend totalement à dépourvu les soldats allemands de la tranchée et les fait tous avancer. Roche retourne aux lignes françaises, l’officier sur l’épaule … et 42 Allemands prisonniers !
En 1917, durant la bataille du Chemin des Dames, Roche brille encore : alors qu’une attaque française est repoussée, le chasseur Roche se précipite dans le no man’s land. Il va ramper près de six heures pour atteindre son capitaine, blessé. Les deux hommes mettent quatre heures pour rentrer sous les tirs allemands. Mais Roche, lorsque l’officier est évacué sur des brancards, s’effondre de sommeil dans un trou d’obus. Une patrouille le découvre : il est considéré comme déserteur ! C’est le peloton qui l’attend !
Roche est envoyé en prison. Au petit matin, alors que les hommes du peloton d’exécution se préparent, une estafette arrive : le capitaine a repris ses esprits et le propose pour la médaille militaire ! Son témoignage disculpe ainsi Roche, qui est innocenté. Et le 3 septembre 1918, Albert Roche reçoit la Légion d’honneur pour héroïsme.
Le 27 novembre 1918, Strasbourg accueille le maréchal Foch, qui présente Albert Roche au balcon de l’hôtel de ville : « Alsaciens, je vous présente votre libérateur Albert Roche. C’est le premier soldat de France ! […] Il a fait tout cela, et il n’a pas le moindre galon de laine ! ». Roche est ensuite l’un des huit Braves qui portent le cercueil du Soldat Inconnu vers l’Arc de Triomphe en 1920 puis assiste aux obsèques de French, le commandant du corps expéditionnaire britannique durant la guerre … pour finir attablé avec le roi George V !
Libéré en 1925, Roche devient pompier à la poudrière de Sorgues, près d’Avignon. Mais le 13 avril 1939, alors qu’il descend de l’autobus, il est renversé par une voiture. Son état est si grave qu’il est transporté à l’hôpital où il décède le lendemain, à l’âge de 44 ans.
Roche recevra pendant la guerre les plus hautes distinctions : officier de la Légion d’honneur, médaille militaire, croix de guerre 1914-1918 avec palme de bronze, quatre citations à l’ordre de l’armée, insigne des blessés militaires pour ses neufs blessures, médaille commémorative de la Victoire, médaille interalliée, croix du combattant et croix du combattant volontaire 1914-1918. Ce qui fait de lui le soldat français le plus décoré de toute la guerre !
Aujourd’hui, seul un monument dans sa ville natale célèbre Albert Séverin Roche en tant que soldat, et sa tombe est toujours visible au cimetière Saint-Véran d’Avignon. Il a autrement presque disparu de nos mémoires.
Source : histogames.com
Képis noirs et bérets rouges – Sahara 1957 (Bataille de Timimoun), par le général Massu.
par Theatrum Belli 21 novembre 2023
Parmi d’innombrables faits d’armes, la tradition militaire française a lutté pour arracher à l’oubli quelques-uns de ceux qui témoignaient de l’héroïsme le plus pur.
C’est ainsi que sont connus les noms de « Camerone » pour la Légion étrangère, de « Sidi Brahim » pour les chasseurs à pied, de « Reichshoffen » pour les cuirassiers, de « Bazeilles » pour ceux qui portent au képi noir une ancre d’or, et de tous les hauts lieux de nos Marches de l’Est pour les vétérans de la deuxième guerre mondiale.
Paradoxalement, les chasseurs ont retenu le symbole d’un combat en terre d’Afrique et les coloniaux un épisode, parmi tant d’autres, des sanglantes empoignades aux frontières des Francs et des Germains.
Célébrant Bazeilles et le sacrifice de ceux qui voulaient permettre à l’armée de Châlons de rejoindre celle de Metz, les Anciens de la « Coloniale » choisissaient le cadre des Ardennes, familier aux Métropolitains.
Le bilan des journées du 31 août et du 1er septembre 1870 donne la mesure de l’acharnement des combats soutenus par la « Division Bleue » du général de Vassoigne : 2 500 morts, dont 315 officiers et sous-officiers. Le chiffre des pertes bavaroises varie, selon les auteurs, de 4 000 à 7 000 hommes.
1870-1970… l’histoire militaire de ce siècle est riche en combats, parfois aussi glorieux que Bazeilles, où s’illustrèrent Marsouins et Bigors. Toutefois, sollicité de mettre en lumière l’un de ceux qu’entraîna le conflit algérien, je saisis l’occasion de rompre avec l’habituelle évocation des accrochages désespérés pour traiter une entreprise offensive, audacieuse mais victorieuse, c’est-à-dire à résultat immédiatement favorable. Je l’ai choisie d’abord dans un cadre purificateur, cher à tous ceux qui ont vécu en Afrique Noire ou en Afrique Blanche, dominées par les grandes figures de Foucauld et de Psichari, comme par celles des plus illustres chasseurs de rezzous. La montagne, la mer, la forêt, le désert exercent un pouvoir formateur enrichissant. Les tâches ingrates imposées aux soldats par la guerre, conservent, au Sahara, l’auréole de clarté qu’elles perdent le plus souvent dans les casbahs.
De plus, pour des raisons logistiques, l’emploi de colonnes légères est seul possible dans les régions désertiques éloignées des rivages maritimes. C’est ainsi que la « Colonne Leclerc » de 1942-43 n’a guère excédé 400 Européens et 2 400 Africains, en moins de 600 voitures, et 17 avions allant du GlenMartin au Lysander, en passant par le Blenheim ; elle ne comptait, bien entendu, ni parachutistes ni hélicoptères, et fort peu de transmissions. Nous étions encore loin des quatre mille véhicules, aux deux tiers blindés, de la 20 D.B. lors de son débarquement de 1944 en Normandie. Vraiment, la gloire africaine de Leclerc a été forgée avec un minimum d’armes, en comparaison de celles de Montgomery et de Rommel, qui s’affrontaient, eux aussi, dans le désert, mais le long de la côte méditerranéenne.
L’opération de Timimoun menée sur de grandes distances au cœur du Sahara rentre dans cette lignée : recherche patiente du renseignement, légèreté et souplesse des moyens engagés, vitesse foudroyante d’exécution, et aussi forte personnalité du Chef, le colonel Bigeard, aux exceptionnelles aptitudes d’entraîneur d’hommes et de manœuvrier.
Parmi tous les combats qu’a livrés Bigeard, celui que je vais tenter de faire revivre devrait porter au cœur de mes lecteurs l’envie de prendre le vent du Sahara, à l’appel du beau nom de « Timimoun ».
Timimoun, « Oasis Rouge », chef-lieu du Gourara, est la reine des trois villes flamboyantes qui encerclent le Tademaït, In Salah et Adrar étant les deux autres. On y accède par la Porte du Soudan, construite en argile rouge éclatant. La ville est bâtie sur le ressaut septentrional du Tademaït ; elle est séparée des hautes dunes du Grand Erg Occidental par la Palmeraie et la Sebkha, dépression analogue au lac Léman par sa forme, sa grandeur et sa disposition. Le dessèchement date de quelques centaines d’années. Les riches palmeraies du Gourara s’étendent dans les bas-fonds salins, couvrant environ 80 km de long sur 25 à 30 km de large. L’artisanat est très important dans le Ksar et les environs de Timimoun : on y tisse les plus belles tentures du Sahara, des burnous, gandourahs, haïks, et des tapis rouges et verts aux dessins originaux.
La Compagnie des Pétroles d’Algérie était installée à Timimoun, chef-lieu de trois mille habitants, la commune de Gourara en comptant 25 000 (en 1955).
À 190 kilomètres vers le sud, Adrar est le chef-lieu du Touat (38 000 habitants) et jadis portion centrale de la Compagnie saharienne du Touat et de la Saoura, qui surveillait les confins du Sud-Marocain et établissait la liaison avec les troupes françaises de Mauritanie. Partant d’Adrar, ColombBéchar se trouve à 600 kilomètres au nord, par Kerzaz et Beni Abbès, sur la route d’Oran, et Reggane est située à 139 kilomètres au sud sur la route du Tanezrouft (Bidon 5) et de Gao.
Timimoun faisait partie du territoire militaire d’Aïn Sefra (située au nord du Grand Erg Occidental et à 255 kilomètres au nord-est de Béchar), d’où Lyautey entreprit en 1903 de pacifier le sud Oranais ; dans ce commandement, « il goûta les plus belles joies de sa carrière ». Saluons au passage, avec respect, ce chef prestigieux et, avec lui, tous ceux qui partagèrent sa devise, gravée dans la bague qu’il ne quittait jamais : « The soul’s joy lies in doing ».
Un demi-siècle plus tard, Bigeard, soldat du peuple, témoignera à son tour, dans les mêmes sables, qu’il est lui aussi, à son échelon, un merveilleux « animal d’action », sans doute le meilleur utilisateur en tous terrains des moyens aériens et des transmissions radiophoniques.
Nous nous sommes rencontrés en Bretagne, où naissait en 1947, à Vannes, la première Demi-Brigade des Commandos coloniaux parachutistes, issue de la Demi-Brigade de Parachutistes S.A.S., elle-même mise sur pied en GrandeBretagne à des heures difficiles et qui s’est illustrée dans les combats de la Libération et dans les premiers combats d’Indochine. Les Képis Noirs étaient alors heureux et fiers d’accueillir cette élite, dont l’expérience permit à la brigade de devenir le creuset des prestigieuses unités de Parachutistes d’infanterie de marine… et d’adopter leur coiffure, le célèbre Béret Rouge. De 1947 à 1954, la Demi-Brigade de Commandos Parachutistes a formé ainsi treize bataillons pour l’Indochine : engagées à fond pendant sept ans, ces unités totalisent vingt-trois citations collectives à l’ordre de l’Armée. De 1954 à 1962, en Algérie, la Brigade de Parachutistes d’Outre-Mer entretient quatre régiments. Leur action s’étend à Suez, en 1956, puis à Bizerte en 1961. Dans le même temps, les missions d’outre-mer sont assurées. Les parachutistes de l’infanterie de marine sont présents à Madagascar, en Afrique Noire, en Mauritanie.
Au cours de ces combats, 190 officiers, 550 sous-officiers, 1 900 hommes de troupe ont fait, dans les rangs des S.A.S. et des parachutistes d’infanterie de marine, le sacrifice de leur vie.
Bigeard est un survivant. Il a largement participé à cette épopée, à travers de nombreuses opérations aéroportées. Déjà il avait été largué en France, il le fut ensuite en Haute Région tonkinoise… Tulé… Lang Son… Dien Bien Phu, pour ne citer que les principales.
Depuis 1955, son régiment, le 3e régiment de parachutistes coloniaux participe à la lutte contre la rébellion dans les Djebels et dans les cités. Il est rodé.
En novembre 1957, il se trouve dans la région de Colomb-Béchar, où, dix ans auparavant, s’est écrasé l’avion « Mitchell » du général Leclerc.
Le 20 octobre, la Compagnie méhariste du Touat, après avoir tué ses cadres français, a apporté au « Front de la Libération Nationale » le renfort de 70 hommes et chameaux, deux fusils-mitrailleurs, un appareil radio C9.
Le 8 novembre, profitant de ce que toutes les troupes mobiles du secteur sont à la recherche des déserteurs, les éléments rebelles montent une embuscade sur un convoi appartenant à la Compagnie des Pétroles Algériens.
Deux civils européens, cinq légionnaires sont faits prisonniers, ainsi qu’un certain nombre d’ouvriers musulmans, parmi lesquels quatre réussissent à rejoindre Timimoun ; un fusil-mitrailleur et une dizaine d’armes sont emportés par les rebelles.
Le 10 novembre, Bigeard est convoqué par le général commandant le territoire d’Aïn Sefra qui lui donne carte blanche pour rétablir la situation, sur les plans militaire et psychologique, la presse française ayant titré en première page la nouvelle de l’attaque contre les pétroliers. L’opération doit débuter au plus tard le 13.
Les moyens propres du 36 R.P.C. comprennent : six compagnies à l’effectif de 150 ; un P.C. avant (30 personnels), un P.C. arrière (60) et, depuis vingt jours, deux Piper, six Hélico S-58, et les véhicules nécessaires à sa motorisation. L’ensemble est déjà très soudé, mais le régiment n’a jamais travaillé dans le désert. Les moyens rattachés se composent :
- d’un commando Air (100),
- d’une compagnie portée de Légion étrangère (200) en cours de recherche des rebelles, à 50 kilomètres au nord-ouest de Timimoun,
- d’une compagnie méhariste (100 fusils) en mission de protection récupération des Land-Rovers brûlés à 40 kilomètres nord de Timimoun,
- des garnisons de Timimoun (40), Kerzaz (50), de Beni Abbès (80),
- de trois Dassault basés à Timimoun.
Il fallait alors deux à trois jours pour relier Béchar à Timimoun sur 600 kilomètres de « tôle ondulée ». La zone de chasse s’étend sur une surface équivalant aux deux tiers de la superficie de la France !
Les véhicules disponibles sont au nombre de cinquante G.M.C., quatorze Dodge 6 x 6, vingt-neuf Jeep.
Les transmissions sont étoffées :
- Un SCR 193 à Béchar,
- Un SCR 193 à Timimoun,
- Deux ANGRC7 au P.C. du régiment,
- Un ANGRC 9 par compagnie,
- Un SCR 300 par section,
- Un gros stock de piles est prévu.
Le 13 novembre, Bigeard et son P.C. léger se posent à Timimoun en deux Dakota.
Les contacts sont pris avec le commandement local. L’officier de renseignement effectue aussitôt une liaison à Adrar pour récupérer les suspects arrêtés par la D.S.T., tandis que son adjoint interroge les ouvriers musulmans tombés dans l’embuscade.
Le 14 novembre arrive un P.C. Air, commandé par un spécialiste chevronné, « porté aux nues » sous le nom de « Félix » par toute l’Armée de Terre, le lieutenant-colonel Brunet.
Les moyens aériens commencent à se mettre en place et deux compagnies arrivent à 22 heures par la piste.
Le 15 novembre, Bigeard rend compte de ses intentions et de ses besoins. Il a décidé de constituer un groupement fait de la C.P.L.E. qui sera basée à Kerzaz et de la Compagnie méhariste qui sera basée à Beni Abbès, et de lui confier les missions de sécurité de l’axe Beni Abbès – Adrar, de renseignement par interrogatoires et reconnaissances vers l’est (région des Puits) et vers l’ouest (contrôle des nomades).
Il insiste par ailleurs, sur l’urgence de ses demandes antérieures, non encore honorées : trois JU-52, au lieu de deux, deux patrouilles de T-6, moyens d’appui-feu, trois Nord 2501, trois Piper au lieu de deux.
Le 15 novembre arrive presque tout le reste de son régiment : les missions sont réparties. Une liaison hélicoptère est effectuée avec les Land Rover des pétroliers, qui affluent à Timimoun de toutes les directions.
Les renseignements sur l’organisation adverse font l’objet d’une synthèse, qui dénote l’expérience du « Patron ».
Du 16 au 20, reconnaissances, recherche du renseignement, essai opérationnel des Land Rover ; 32 armes sont saisies, une organisation politico-militaire est patiemment localisée.
Tenant compte des renseignements ainsi obtenus et recoupés, une opération est montée sur Hassi Rhambou, à 80 kilomètres au nord-est de Timimoun (à vol d’oiseau) le 21 novembre.
Bigeard obtient un appui B 26 et joue le jeu où il est passé maître.
Mouvement de nuit par camions jusqu’à vingt kilomètres de l’objectif de la 3e compagnie et du P.C. opérationnel. À 8 heures ceux-ci sont héliportés après mitraillage par la chasse de la zone des « posés ».
Les traces des rebelles sont relevées à 8 h 30, les premiers coups de feu échangés à 9 h 30.
A 12 h 36, après marquage-piper et mitraillage de la zone de parachutage, la 4e compagnie, en « alerte aéroportée » à Timimoun, est larguée des « Nord 2501 » et immédiatement engagée.
Les deux unités soutiennent un contact étroit, appuyées par les B 26 qui se relaient sur leur zone d’action.
A 14 h 30, après une liaison au P.C. de la 3, « Bruno » (c’est Bigeard en langage radio codé) fait héliporter sur Hassi Rhambou un élément de renforcement de son escadron de jeeps armées et son P.C., qui avaient effectué leur approche par la piste.
Les combats demeurent acharnés jusqu’à 18 h 45. Par étapes successives Bigeard et son P.C. se sont retrouvés à l’abri d’une dune à portée de voix des combattants. Les blessés sont évacués, les moyens aériens quittent la zone de combat. Pendant la nuit, les unités montent des embuscades.
Sergent-chef René mortellement blessé
Le 22, la zone d’action est fouillée, des matériels, un dépôt de vivres et de munitions sont saisis. Les unités sont regroupées, les prisonniers interrogés.
Une opération analogue est effectuée le 23 sur Hassi Djedid Ech Chergui à 40 kilomètres au nord-est de l’objectif précédent :
- approche terrestre des unités, arrivée à 7 h 30 des Sikorsky et Pipers, à 8 heures des Dassault et B 26. Reconnaissance sur l’objectif avec chasse et pipers et même les Sikorsky portant certains prisonniers, « Strafing » de la D.Z choisie et héliportage à 10 heures.
La compagnie d’accompagnement en « alerte aéroportée » à Timimoun embarque sur les « Nord 2501 » à 10 h 35 pour une « alerte en vol », mais ne sautera pas.
Après liaison de « Bruno » avec le P.C. de son escadron à 13 heures, un dépôt d’environ quatre tonnes est découvert à 14 heures et évacué par héliportage.
A 21 heures, les unités sont regroupées à Timimoun, ayant perdu onze des leurs, dont un officier, et comptant huit blessés.
Leurs adversaires ont perdu 52 hommes, dont 20 déserteurs, deux F.M., deux P.M., quarante fusils de guerre, un ANGRC 9, 5.000 cartouches, 10 tonnes de vivres, des équipements, des documents importants.
L’opération Timimoun s’est poursuivie du 24 novembre au 8 décembre par une localisation du rebelle, dans le vent de sable, ensuite par une double action au coeur de l’Erg, à 125 kilomètres au nord-ouest de Timimoun, sur Bou Krelala, puis en direction de Kerzaz, sur Belguezza.
Elle a encore coûté quatre tués et six blessés, mais elle a doublé les pertes adverses précédentes.
Dans l’ensemble, un temps favorable aux moments critiques a permis la découverte du guetteur mal camouflé : le destin de la bande aux abois était alors scellé.
Aptes à jouer aisément de l’automobile comme du parachute, de l’hélicoptère aussi bien que du dromadaire, les parachutistes, menés de main de maître, se sont dépassés généreusement.
Le désarroi causé à l’adversaire par des méthodes aussi percutantes qu’efficaces ressort de l’extrait du compte rendu de Si Omar au commandant de la Z 8, le 29 novembre, et découvert lors d’une fouille : « L’ennemi a arrêté un grand nombre de la population de Timimoun et ils ont enterré et piégé les puits où se trouvait la 1ère section. C’est pour ceci que nos hommes ont replié dans la région de Beni Abbès. Nous n’avons jusqu’à présent aucune nouvelle de la deuxième section qui se trouve à l’est de Timimoun ».
Pour Bigeard, l’expérience de la guerre révolutionnaire d’Indochine, qu’il a acquise sur le terrain et jusque dans les geôles du Viet Minh, l’a amené à conclure à la nécessité de s’attaquer avant tout à l’infrastructure politico-militaire.
Quant aux bandes, second, mais non moindre objectif, il a constaté que, dans la région de Timimoun, elles ont trouvé dans l’organisation rebelle, réalisée depuis un an, un soutien précieux à travers toutes les palmeraies. Observation valable, j’ai pu en juger par moi-même dans bien d’autres régions, où la loi du silence, notre immobilisme ont permis le classique pourrissement dont nos forces avaient été également les victimes au Vietnam !
Mais, dans cette zone désertique, la nature favorisait encore la mise en place de dépôts, dont l’importance prouvait qu’elle datait de longs mois.
La population musulmane des Palmeraies avait perdu tout sentiment de sécurité, par suite du manque de dynamisme, de la trop fréquente tactique défensive et classique, de l’éloignement, de la routine immuable et si facilement repérable des garnisons. Aussi avait-elle apporté aux rebelles un soutien total dû à la crainte, pour les plus vieux et les faibles, à l’admiration pour les jeunes qui ne trouvaient pas chez nous ce rayonnement et cet exemple exaltant dont ils ont soif.
Pour rétablir en quelques jours une position si gravement délabrée, il fallait évidemment consentir une importante dépense de moyens. Nous sommes loin des « dernières cartouches »…
Encore fallait-il savoir les utiliser, ces moyens, pour ne pas s’en trouver plus encombré qu’aidé… et ne pas donner le spectacle trop connu du « marteau-pilon incapable d’écraser la mouche ».
La région de Hassi Rhambou, en effet, est non seulement pratiquement inaccessible aux véhicules, mais elle présente un aspect buissonneux où le rebelle peut parfaitement se camoufler, se protéger. Seule l’accumulation des renseignements, obtenus par un travail patient et précisés par des reconnaissances aériennes, a-t-elle permis de situer la « Bande », point minuscule dans cette immensité désertique.
« Une fois de plus, on peut mesurer la discipline d’existence que s’impose l’adversaire, et quand on voit le courage dont il fait preuve durant le combat, on comprend combien peut être grand le rayonnement d’une bande de rebelles sur une population, au demeurant sans défense. »
Ce sont là les paroles de Bigeard, toujours prêt à saluer, en connaisseur, les mérites de ceux qu’il combat, à ferveur égale !
Sa tactique offensive de la bataille de novembre 1957 a renversé la situation.
Ce ne sont plus, la nuit, des embuscades mises en place par un ennemi sûr de l’impunité, nos troupes prudemment enfermées derrière les barbelés de leurs camps, mais celles tendues par des parachutistes, qui ont fait leurs ces méthodes payantes.
Sur le terrain, des soldats entraînés au corps-à-corps se battent dans la dune désertique contre des hommes qui se terrent, par petits paquets de trois ou quatre à la contre-pente des dunes, un seul guetteur à la crête : chaque groupuscule est un îlot de résistance qu’il faut réduire avec ténacité et courage en lui donnant l’assaut. Combat âpre et rude dans un terrain où l’uniformité des cuvettes de sable, jointives et toutes semblables, rend très précaire la localisation des coups de feu.
Tout concourt à dramatiser ce combat : les armes qui s’ensablent, les incidents de tir, le climat, le terrain mal connu des uns, si familier aux autres…
Seule une infanterie agressive et décidée peut gagner à ce terrible jeu, sous les ordres de l’homme qui a ainsi fixé le souvenir de Timimoun, « sommet » d’une tradition coloniale et saharienne :
« Un jour, on nous donna le désert pour combattre… Il nous sembla alors que nous avions trouvé dans ce dépouillement et cette solitude, dans la soif et dans la faim, cet ennemi que nous poursuivions depuis si longtemps : nous-mêmes, notre peur et ce corps qui se rappelait soudain à nous pour exiger des fruits juteux, des filles accueillantes, des lits profonds et une vie confortable. »
Général MASSU
Texte initialement publié dans la Revue historique de l’armée n°4 (1970)
Visionnez la galerie photos sur Timimoun.
Les derniers tirailleurs
Année 2019 – Durée 52 mn
Un film de Cédric Condon, coproduit par Kilaohm Productions et l’ECPAD en accès libre du 17 juillet au 15 août 2023
Lancée en janvier 2023, l’Année du documentaire a pour ambition de faire rayonner le genre auprès du grand public. Dans le cadre de cette opération, ImagesDéfense vous propose de découvrir chaque mois un film documentaire en accès libre coproduit par l’ECPAD et ses partenaires.
Ils s’appellent Yaro, Manoula, Keita, Abdoulaye. Ils ont sorti leurs calots et leurs médailles qu’ils ont accrochés au revers de leurs vestes. Ces vieillards se sont battus autrefois en Indochine et en Algérie. Dignes et silencieux, ils affirment leur identité d’anciens combattants. Voici les derniers tirailleurs.
Cliquez sur le lien pour voir le film.
ImagesDéfense – Les derniers tirailleurs (imagesdefense.gouv.fr)
Yannick LALLEMAND, l’aumônier qui a sauté sur Kolwezi
Chaque 19 mai, depuis 41 ans, le père Yannick Lallemand se souvient de l’opération « Bonite » sur Kolwezi auprès des légionnaires du 2e REP, dans l’ex-Zaïre, aujourd’hui République démocratique du Congo. Le « padre », qui a participé à plusieurs opérations marquantes des dernières décennies, a fait ses adieux aux armes en 2018.
Le père Yannick Lallemand était en manœuvre dans les montagnes corses le 17 mai 1978. L’aumônier militaire avait alors dans son diocèse trois unités stationnées dans l’île, dont le 2e régiment étranger de parachutistes, en garnison à Calvi. La marche se termine dans une gorge où les radios ne captent pas. Ce n’est qu’à la fin de la journée qu’une estafette le retrouve pour le ramener d’urgence en Balagne. Le père Lallemand trouve le camp Raffalli en pleine effervescence. Le 2e REP vient d’être mis en alerte. Au Zaïre, dans la province du Katanga, des rebelles venus d’Angola ont pris la ville minière de Kolwezi, et ont commencé à massacrer les Européens et les Africains.
« Je suis allé à l’infirmerie où le médecin-chef m’a dit : nous allons sauter en opération. Vous partez avec nous comme brancardier. Voulez-vous une arme ? », se souvient le padre, (surnom de l’aumônier dans les régiments de l’armée française). « J’ai dit non. » « Voilà votre sac, bien plein, pour les blessés éventuels », lui répond le médecin. Le père Lallemand y ajoute ce qu’il faut pour la messe, et s’endort tout habillé. Pendant la nuit, la sirène retentit. L’opération « Bonite » est déclenchée. Le 2e REP embarque dans des camions pour la base de Solenzara, d’où il décolle pour le Zaïre.
« Il y avait des cadavres partout »
Au matin, à peine posé sur l’aéroport de Kinshasa, il embarque avec le médecin-chef dans le premier des avions qui décollent vers Kolwezi. « Nous étions serrés comme des sardines », se souvient le père, « il faisait une chaleur torride, et nous n’avions pas de renseignements précis sur la situation au sol ». Au-dessus de Kolwezi, les appareils ont du mal à s’aligner, et font un premier passage sans larguer. Le deuxième passage est le bon. Lumière rouge. Lumière verte. Go ! Le père Lallemand saute juste derrière le colonel Erulin, le chef de corps du REP. L’atterrissage est brutal. « Le colonel est tombé sur une termitière et s’est bien râpé la joue », dit le père. « Quant à moi, j’ai atterri sur le cadavre d’un Noir. J’ai entendu les premiers tirs, et les premières détonations. Les combats ont commencé. Il y avait des cadavres partout, massacrés par les Katangais, c’était affreux. » Mais l’effet de surprise a joué. 700 légionnaires largués directement sur l’ennemi à des milliers de kilomètres de leur base, sans appui ni renforts, ont pris la ville. À la nuit tombée, le 2e REP tient fermement le centre de Kolwezi. Le père Lallemand est avec l’infirmerie et l’état-major tactique du régiment, qui s’installe à la nuit tombée dans le Lycée Jean XXIII.
Le lendemain matin, le PC du régiment se déplace à l’hôtel Impala. Le 2e REP a sauté sur Kolwezi sans armements lourds ni équipement, ni soutient sanitaire. Le père Lallemand joue d’abord le rôle de brancardier, mais surtout il est au milieu des blessés, jour et nuit, faisant boire l’un, aidant l’autre à manger sa ration, lavant les treillis pleins de sang. Puis est amené dans ce qui sert d’infirmerie le premier mort ; c’est un caporal, tireur d’élite. « Le médecin-chef m’a dit : “Pouvez-vous vous occuper de nos tués, car les blessés sont assez nombreux et je suis le seul médecin ?” », se rappelle le père Lallemand. « Nous n’avions ni cercueils, ni linceuls. Je suis allé récupérer des parachutes ventraux abandonnés sur la zone de saut, et nous avons enveloppé nos morts dedans. » Le 2e REP perd cinq des siens dans l’opération. Alors que les combats se terminent, l’aumônier demande au colonel l’autorisation de célébrer une messe. La cérémonie a lieu dans les jardins de l’hôtel Impala, concélébrée avec le curé de la cathédrale de Kolwezi. « Un grand moment de prière pour nos cinq camarades tués au combat, et pour tous ces Européens et Africains innocents morts dans la furie de cette semaine sanglante. »
Le père Lallemand dit avoir eu sa vocation religieuse vers l’âge de 10 ans. « Ce fut un choc pour mon père quand ma mère lui a fait part de mon projet de devenir prêtre. Il était lui-même militaire, et rêvait que je devienne officier de marine. Mon frère aîné avait été tué en Algérie dans les parachutistes. »
Le jeune Yannick Lallemand finit par obtenir gain de cause. Il entre au séminaire de Poitiers, mais interrompt ses études religieuses pour devenir officier de réserve. Il sert pendant presque trois ans en Algérie comme chef de section dans un commando de chasse. À la fin de son service, il retourne au séminaire.
Lorsqu’il est finalement ordonné prêtre, il annonce à son évêque qu’il ne servira que pendant cinq ans au diocèse, et qu’il deviendra ensuite aumônier militaire. Ce n’est qu’au bout de six ans qu’il rejoint sa première affectation. « J’étais aumônier de deux bataillons de chasseurs alpins, le 13e BCA à Chambéry, et le 7e BCA à Bourg-Saint-Maurice. Il fallait que je fasse plus de 140 kilomètres entre les deux garnisons, par des routes enneigées et dangereuses en hiver. On ne s’appartient plus quand on est aumônier militaire. »
Le père Lallemand est affecté ensuite dans les parachutistes, à Carcassonne, au 3e RPIMa. « C’était à l’époque une unité d’appelés très opérationnelle, qui revenait du Tchad, où ils avaient eu des tués dans des accrochages. J’allais sauter avec les jeunes brevetés à Pau. C’est un bon moyen pour un aumônier d’établir le contact avec eux, quand ils nous voient dans le même avion, ils savent qu’ils peuvent compter sur nous. » En 1975, il rejoint la Légion, où il participe à l’opération de Kolwezi, le 19 mai 1978. Affecté au 1er régiment de chasseurs parachutistes, le régiment de son frère tué en Algérie, il part au Liban en 1983. « Nous avons débarqué à Beyrouth sur une plage à partir de chalands, l’aéroport étant fermé à cause de la guerre. » Dans la capitale libanaise, les paras s’installent dans les immeubles à moitié détruits. Le père Lallemand fait la tournée des postes avancés. « J’aidais à remplir les sacs de sable pour protéger les bâtiments. Le dimanche, j’allais dire la messe dans un poste ou dans un autre. » Le 23 octobre 1983, le padré est au PC du régiment quand retentissent deux énormes explosions : la première en direction de l’aéroport, où sont stationnés les Marines américains. La seconde, quelques minutes plus tard, provient de l’immeuble du Drakkar, où sont déployés les paras français. Deux voitures suicides lancées par une milice dont on ignore encore le nom ont frappé les contingents occidentaux.
« En arrivant sur place, il ne restait rien qu’un amas de ferraille et de béton », se souvient le père Lallemand. « Nous entendions les blessés appeler au secours en dessous des décombres, et nous n’avions que nos pelles individuelles pour les dégager. Commence alors un chemin de passion et de douleur. J’entendais les voix de ces soldats avec qui j’avais marché, sauté. Pendant quatre jours, je leur ai parlé, les ai accompagnés de la voix, puis peu à peu leurs voix se sont éteintes. » Depuis, chaque année, il continue de visiter les tombes des soldats tués au Drakkar, avec les familles desquels il est resté en contact.
« Dix ans au Tchad »
Les Américains ont eu 241 morts, les Français, 58. « Les corps ont été transportés à la résidence des Pins, l’ancien palais des ambassadeurs de France. Chaque nuit, j’allais veiller les cercueils de mes petits et je lisais leurs noms en pleurant, en me rappelant ce que nous avions vécu ensemble. Il y a eu une cérémonie d’adieu. J’ai prononcé un message d’espérance. Ils n’étaient pas morts pour rien, ils étaient morts pour la France, pour le Liban, ce « Liban-message”, comme disait Jean-Paul II. Je continue chaque année d’aller prier sur leur tombe, avec l’association des familles, blessés et rescapés du Drakkar. »
Quatre mois plus tard, le père Lallemand est au Tchad, où l’opération « Manta » vise à contenir les Libyens de Kadhafi au nord du 16e parallèle. « Nous partions pour de longues patrouilles dans le désert. J’y ai rencontré des missionnaires extraordinaires qui avaient évangélisé là depuis les années 1930. Au bout de quatre mois, j’ai su que je devais me consacrer à ces populations chrétiennes abandonnées. » En 1987, le père Lallemand quitte l’aumônerie militaire pour retourner dans le nord du Tchad. À Moussoro, puis à Faya-Largeau, le père reste dix ans au Tchad, où il construit et reconstruit des églises et chapelles, là où se trouvent des soldats et leurs familles, la majorité venant du sud du pays.
De retour dans l’aumônerie militaire, le père Lallemand rejoint la Légion étrangère qu’il ne quittera plus. Après le 4e étranger à Castelnaudary, il est affecté au 1er étranger, la maison mère de la Légion, à Aubagne, tout en servant les maisons de retraite de la Légion étrangère, à Auriol et à Puyloubier, où il vivra avec les anciens légionnaires pendant cinq ans. Il fait son adieu aux armes au début de l’année 2018, où il lit pour une dernière fois la devise de la Légion, « Honneur et Fidélité ». Sa longue carrière a été placée sous la prière du para, qu’il a si souvent répété dans ses régiments : « Donnez-moi mon Dieu, ce qui vous reste, donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas, mais donnez-moi aussi le courage, car vous êtes seul à donner, ce que l’on ne peut obtenir que de soi. »
Adrien Jaulmes
Le Figaro
vendredi 17 mai 2019
Rediffusé sur le site de l’ASAF : www.asafrance.fr
Figure emblématique de la Légion étrangère, le père Yannick Lallemand, 86 ans, a été désigné pour porter ce dimanche 30 avril à Aubagne la main en bois articulée du capitaine Danjou, héros du combat de Camerone. Un honneur qui vient couronner une vie de service, d’aventures et de dévouement. Une vie d’action de grâce. Rencontre.
« Portrait du président Ho Chi Minh » offert au musée Ho Chi Minh par le vétéran français Pierre Flamen.
DERNIER SAUT SUR DIÊN BIÊN PHU
Découvrez en vidéo l’histoire hors-norme du Major Pierre Flamen, un héros de la guerre d’Indochine et d’Algérie. Meneur d’hommes fougueux, il s’évadera trois fois des camps Viet Minhs et combattra avec ses frères d’armes à la bataille de Diên Biên Phu.
Plongez dans ses combats, ses aventures et ses blessures au sein des prestigieux parachutistes français. Un hommage à tous les soldats qui ont combattu pour notre liberté et une invitation à se souvenir de leur sacrifice. Ne manquez pas cette vidéo qui vous transportera dans une des guerres modernes les plus importantes de l’Histoire militaire française.
https://www.youtube.com/watch?v=N8FlUI8uqT0 (Vidéo 1 heure)
COMMENTAIRE
En tant que secrétaire général de l’association nationale des anciens prisonniers d’Indochine (Anapi), c’est un honneur d’avoir l’ami Pierre Flamen comme adhérent. A Dien Bien Phu, il était chef d’une section totalement vietnamienne à la tête de laquelle il a participé aux deux reprises d’Eliane 1 (celle que Pierre Schoendorfer a surnommé la colline charnier…).
Tous les chefs de section ont été tués dans la matinée, le seul qui est redescendu, c’est Pierre Flamen qui vient d’être élevé à la dignité de grand Officier de la légion d’honneur. Par ailleurs, il est titulaire de 11 titres de guerre dont 5 palmes ! Ceux qui ont porté les armes savent ce que cela veut dire…
Il a dit :
» On a fait la guerre sans haine ! «
» Je me suis battu pour l’honneur des parachutistes «
Dessiné en 1948 sur du papier dó, ce portrait du Président Hô Chi Minh est le chef-d’œuvre du peintre vietnamien Phan Van Doan. Mais 1948, c’est aussi l’année où Pierre Flamen, originaire de Dordogne, débarque au Vietnam. Il découvre ce portrait en 1949 dans la province de Yên Bai et le ramène en France, en 1951, soit trois ans avant la bataille de Diên Biên Phu.
Soixante-dix ans après, Pierre Flamen décide finalement de remettre son portrait au musée Hô Chi Minh de Hanoï, et ce grâce à l’entremise de Hiêu Constant, une Française d’origine vietnamienne.
Eric De Verdelhan
Hommage aux héros de Diên-Biên-Phu.
« Nous pouvons désormais agir sur un terrain propre, sans la moindre tache de colonialisme.
Diên-Biên-Phu a été un bienfait caché … »
(Foster Dulles, porte-parole du gouvernement des USA, en novembre 1954).
Cliquez ici pour lire hommage d’Éric De Verdelhan à ceux de Diên Biên Phu dont son père
ERIC DE VERDELHAN
Éric de Verdelhan est né en juillet 1949, dans une famille « nombreuse et désargentée », dit-il, de la petite aristocratie cévenole. « Enfant de troupe » à 11 ans, il sert ensuite dans les parachutistes et s’initie au parachutisme sportif. Rendu à la vie civile, il entame une carrière d’inspecteur d’assurances, poste dont il gravira tous les échelons. Inspecteur général honoraire, il est diplômé de l’École Nationale d’Assurance et titulaire d’un 3ème cycle « Assurances » du CNAM. En dehors de ses activités professionnelles, il se passionne pour les sports de l’air (parachutisme, ULM, parapente). Il cultive d’autres hobbies : les voyages, l’histoire, les armes anciennes, la gastronomie et les vieilles motos. Politiquement, il se définit lui-même comme « nationaliste chrétien » et admirateur de Maurice Barrès.
En retraite depuis 2010, il se lance dans l’écriture par « devoir de mémoire ». Il publie en 2011 « Au capitaine de Diên-Biên-Phu » en hommage à son père. Puis, en 2012, « Requiem pour l’Algérie française » (épuisé), « Un homme libre » en 2013 (épuisé), en 2014 « Au capitaine de Diên-Biên-Phu » est réédité chez SRE-éditions à Annecy (www.sre-editions.com ). En 2015, il a publié « Le cœur chouan et l’esprit para » (déjà épuisé), livre dont le titre résume assez bien l’état d’esprit de l’auteur.
Les oubliés du Laos
Thierry Mauvignier
Les oubliés du Laos, ou les maquis d’Indochine. (50 mn.)
Réalisation : Thierry Mauvignier & Christophe Guyonnaud
Musique : Michel Duponteil
© TRELYS PRODUCTIONS/2008
Patrouille de choc 1956 INDOCHINE
HNA FIKHRLA (1h.30)
Claude Bernard-Aubert réalise en 1953 un film qu’il intitule « Patrouille sans espoir« . Ce titre ainsi que le montage final sont modifiés pour l’obtention du permis du visa d’exploitation. Le film sort donc en salle sous un nouveau titre « Patrouille de choc« et avec une nouvelle fin qui dénature totalement le projet initial. La version présentée rétablit le montage image et son original conçu par le réalisateur.
« En Avant » ! – les troupes de marine au cœur des combats
par Fréderic Bouquet (1h.05)
Commandé par les Troupes de marine, ce film donne la parole à des témoins de combat. De 1962 à 2010, de l’Afrique à l’Afghanistan en passant par le Liban et la Bosnie, 25 témoins du général au caporal, se livrent pour commenter ces moments particuliers… 6eCPIMa, 3eRIMA, 3eRPIMa, RICM… un demi-siècle d’histoire militaire, 50 ans d’engagements continus, parfois méconnus, des histoires vraies, intenses, au cœur de l’action, des témoignages inédits. Un devoir de mémoire.
Histoire des Troupes de Marine en vidéo (15 mn.)
LYAUTEY, LE SOLDAT, POLITIQUE ET REBELLE.
Avenue du lieutenant Jacques Desplats
81108 Castres Cedex