
Yannick LALLEMAND, l’aumônier qui a sauté sur Kolwezi
Chaque 19 mai, depuis 41 ans, le père Yannick Lallemand se souvient de l’opération « Bonite » sur Kolwezi auprès des légionnaires du 2e REP, dans l’ex-Zaïre, aujourd’hui République démocratique du Congo. Le « padre », qui a participé à plusieurs opérations marquantes des dernières décennies, a fait ses adieux aux armes en 2018.
Le père Yannick Lallemand était en manœuvre dans les montagnes corses le 17 mai 1978. L’aumônier militaire avait alors dans son diocèse trois unités stationnées dans l’île, dont le 2e régiment étranger de parachutistes, en garnison à Calvi. La marche se termine dans une gorge où les radios ne captent pas. Ce n’est qu’à la fin de la journée qu’une estafette le retrouve pour le ramener d’urgence en Balagne. Le père Lallemand trouve le camp Raffalli en pleine effervescence. Le 2e REP vient d’être mis en alerte. Au Zaïre, dans la province du Katanga, des rebelles venus d’Angola ont pris la ville minière de Kolwezi, et ont commencé à massacrer les Européens et les Africains.
« Je suis allé à l’infirmerie où le médecin-chef m’a dit : nous allons sauter en opération. Vous partez avec nous comme brancardier. Voulez-vous une arme ? », se souvient le padre, (surnom de l’aumônier dans les régiments de l’armée française). « J’ai dit non. » « Voilà votre sac, bien plein, pour les blessés éventuels », lui répond le médecin. Le père Lallemand y ajoute ce qu’il faut pour la messe, et s’endort tout habillé. Pendant la nuit, la sirène retentit. L’opération « Bonite » est déclenchée. Le 2e REP embarque dans des camions pour la base de Solenzara, d’où il décolle pour le Zaïre.
« Il y avait des cadavres partout »
Au matin, à peine posé sur l’aéroport de Kinshasa, il embarque avec le médecin-chef dans le premier des avions qui décollent vers Kolwezi. « Nous étions serrés comme des sardines », se souvient le père, « il faisait une chaleur torride, et nous n’avions pas de renseignements précis sur la situation au sol ». Au-dessus de Kolwezi, les appareils ont du mal à s’aligner, et font un premier passage sans larguer. Le deuxième passage est le bon. Lumière rouge. Lumière verte. Go ! Le père Lallemand saute juste derrière le colonel Erulin, le chef de corps du REP. L’atterrissage est brutal. « Le colonel est tombé sur une termitière et s’est bien râpé la joue », dit le père. « Quant à moi, j’ai atterri sur le cadavre d’un Noir. J’ai entendu les premiers tirs, et les premières détonations. Les combats ont commencé. Il y avait des cadavres partout, massacrés par les Katangais, c’était affreux. » Mais l’effet de surprise a joué. 700 légionnaires largués directement sur l’ennemi à des milliers de kilomètres de leur base, sans appui ni renforts, ont pris la ville. À la nuit tombée, le 2e REP tient fermement le centre de Kolwezi. Le père Lallemand est avec l’infirmerie et l’état-major tactique du régiment, qui s’installe à la nuit tombée dans le Lycée Jean XXIII.
Le lendemain matin, le PC du régiment se déplace à l’hôtel Impala. Le 2e REP a sauté sur Kolwezi sans armements lourds ni équipement, ni soutient sanitaire. Le père Lallemand joue d’abord le rôle de brancardier, mais surtout il est au milieu des blessés, jour et nuit, faisant boire l’un, aidant l’autre à manger sa ration, lavant les treillis pleins de sang. Puis est amené dans ce qui sert d’infirmerie le premier mort ; c’est un caporal, tireur d’élite. « Le médecin-chef m’a dit : “Pouvez-vous vous occuper de nos tués, car les blessés sont assez nombreux et je suis le seul médecin ?” », se rappelle le père Lallemand. « Nous n’avions ni cercueils, ni linceuls. Je suis allé récupérer des parachutes ventraux abandonnés sur la zone de saut, et nous avons enveloppé nos morts dedans. » Le 2e REP perd cinq des siens dans l’opération. Alors que les combats se terminent, l’aumônier demande au colonel l’autorisation de célébrer une messe. La cérémonie a lieu dans les jardins de l’hôtel Impala, concélébrée avec le curé de la cathédrale de Kolwezi. « Un grand moment de prière pour nos cinq camarades tués au combat, et pour tous ces Européens et Africains innocents morts dans la furie de cette semaine sanglante. »
Le père Lallemand dit avoir eu sa vocation religieuse vers l’âge de 10 ans. « Ce fut un choc pour mon père quand ma mère lui a fait part de mon projet de devenir prêtre. Il était lui-même militaire, et rêvait que je devienne officier de marine. Mon frère aîné avait été tué en Algérie dans les parachutistes. »
Le jeune Yannick Lallemand finit par obtenir gain de cause. Il entre au séminaire de Poitiers, mais interrompt ses études religieuses pour devenir officier de réserve. Il sert pendant presque trois ans en Algérie comme chef de section dans un commando de chasse. À la fin de son service, il retourne au séminaire.
Lorsqu’il est finalement ordonné prêtre, il annonce à son évêque qu’il ne servira que pendant cinq ans au diocèse, et qu’il deviendra ensuite aumônier militaire. Ce n’est qu’au bout de six ans qu’il rejoint sa première affectation. « J’étais aumônier de deux bataillons de chasseurs alpins, le 13e BCA à Chambéry, et le 7e BCA à Bourg-Saint-Maurice. Il fallait que je fasse plus de 140 kilomètres entre les deux garnisons, par des routes enneigées et dangereuses en hiver. On ne s’appartient plus quand on est aumônier militaire. »
Le père Lallemand est affecté ensuite dans les parachutistes, à Carcassonne, au 3e RPIMa. « C’était à l’époque une unité d’appelés très opérationnelle, qui revenait du Tchad, où ils avaient eu des tués dans des accrochages. J’allais sauter avec les jeunes brevetés à Pau. C’est un bon moyen pour un aumônier d’établir le contact avec eux, quand ils nous voient dans le même avion, ils savent qu’ils peuvent compter sur nous. » En 1975, il rejoint la Légion, où il participe à l’opération de Kolwezi, le 19 mai 1978. Affecté au 1er régiment de chasseurs parachutistes, le régiment de son frère tué en Algérie, il part au Liban en 1983. « Nous avons débarqué à Beyrouth sur une plage à partir de chalands, l’aéroport étant fermé à cause de la guerre. » Dans la capitale libanaise, les paras s’installent dans les immeubles à moitié détruits. Le père Lallemand fait la tournée des postes avancés. « J’aidais à remplir les sacs de sable pour protéger les bâtiments. Le dimanche, j’allais dire la messe dans un poste ou dans un autre. » Le 23 octobre 1983, le padré est au PC du régiment quand retentissent deux énormes explosions : la première en direction de l’aéroport, où sont stationnés les Marines américains. La seconde, quelques minutes plus tard, provient de l’immeuble du Drakkar, où sont déployés les paras français. Deux voitures suicides lancées par une milice dont on ignore encore le nom ont frappé les contingents occidentaux.
« En arrivant sur place, il ne restait rien qu’un amas de ferraille et de béton », se souvient le père Lallemand. « Nous entendions les blessés appeler au secours en dessous des décombres, et nous n’avions que nos pelles individuelles pour les dégager. Commence alors un chemin de passion et de douleur. J’entendais les voix de ces soldats avec qui j’avais marché, sauté. Pendant quatre jours, je leur ai parlé, les ai accompagnés de la voix, puis peu à peu leurs voix se sont éteintes. » Depuis, chaque année, il continue de visiter les tombes des soldats tués au Drakkar, avec les familles desquels il est resté en contact.
« Dix ans au Tchad »
Les Américains ont eu 241 morts, les Français, 58. « Les corps ont été transportés à la résidence des Pins, l’ancien palais des ambassadeurs de France. Chaque nuit, j’allais veiller les cercueils de mes petits et je lisais leurs noms en pleurant, en me rappelant ce que nous avions vécu ensemble. Il y a eu une cérémonie d’adieu. J’ai prononcé un message d’espérance. Ils n’étaient pas morts pour rien, ils étaient morts pour la France, pour le Liban, ce « Liban-message”, comme disait Jean-Paul II. Je continue chaque année d’aller prier sur leur tombe, avec l’association des familles, blessés et rescapés du Drakkar. »
Quatre mois plus tard, le père Lallemand est au Tchad, où l’opération « Manta » vise à contenir les Libyens de Kadhafi au nord du 16e parallèle. « Nous partions pour de longues patrouilles dans le désert. J’y ai rencontré des missionnaires extraordinaires qui avaient évangélisé là depuis les années 1930. Au bout de quatre mois, j’ai su que je devais me consacrer à ces populations chrétiennes abandonnées. » En 1987, le père Lallemand quitte l’aumônerie militaire pour retourner dans le nord du Tchad. À Moussoro, puis à Faya-Largeau, le père reste dix ans au Tchad, où il construit et reconstruit des églises et chapelles, là où se trouvent des soldats et leurs familles, la majorité venant du sud du pays.
De retour dans l’aumônerie militaire, le père Lallemand rejoint la Légion étrangère qu’il ne quittera plus. Après le 4e étranger à Castelnaudary, il est affecté au 1er étranger, la maison mère de la Légion, à Aubagne, tout en servant les maisons de retraite de la Légion étrangère, à Auriol et à Puyloubier, où il vivra avec les anciens légionnaires pendant cinq ans. Il fait son adieu aux armes au début de l’année 2018, où il lit pour une dernière fois la devise de la Légion, « Honneur et Fidélité ». Sa longue carrière a été placée sous la prière du para, qu’il a si souvent répété dans ses régiments : « Donnez-moi mon Dieu, ce qui vous reste, donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas, mais donnez-moi aussi le courage, car vous êtes seul à donner, ce que l’on ne peut obtenir que de soi. »
Adrien Jaulmes
Le Figaro
vendredi 17 mai 2019
Rediffusé sur le site de l’ASAF : www.asafrance.fr
Figure emblématique de la Légion étrangère, le père Yannick Lallemand, 86 ans, a été désigné pour porter ce dimanche 30 avril à Aubagne la main en bois articulée du capitaine Danjou, héros du combat de Camerone. Un honneur qui vient couronner une vie de service, d’aventures et de dévouement. Une vie d’action de grâce. Rencontre.


« Portrait du président Ho Chi Minh » offert au musée Ho Chi Minh par le vétéran français Pierre Flamen.
DERNIER SAUT SUR DIÊN BIÊN PHU
Découvrez en vidéo l’histoire hors-norme du Major Pierre Flamen, un héros de la guerre d’Indochine et d’Algérie. Meneur d’hommes fougueux, il s’évadera trois fois des camps Viet Minhs et combattra avec ses frères d’armes à la bataille de Diên Biên Phu.
Plongez dans ses combats, ses aventures et ses blessures au sein des prestigieux parachutistes français. Un hommage à tous les soldats qui ont combattu pour notre liberté et une invitation à se souvenir de leur sacrifice. Ne manquez pas cette vidéo qui vous transportera dans une des guerres modernes les plus importantes de l’Histoire militaire française.
https://www.youtube.com/watch?v=N8FlUI8uqT0 (Vidéo 1 heure)
COMMENTAIRE
En tant que secrétaire général de l’association nationale des anciens prisonniers d’Indochine (Anapi), c’est un honneur d’avoir l’ami Pierre Flamen comme adhérent. A Dien Bien Phu, il était chef d’une section totalement vietnamienne à la tête de laquelle il a participé aux deux reprises d’Eliane 1 (celle que Pierre Schoendorfer a surnommé la colline charnier…).
Tous les chefs de section ont été tués dans la matinée, le seul qui est redescendu, c’est Pierre Flamen qui vient d’être élevé à la dignité de grand Officier de la légion d’honneur. Par ailleurs, il est titulaire de 11 titres de guerre dont 5 palmes ! Ceux qui ont porté les armes savent ce que cela veut dire…
Il a dit :
» On a fait la guerre sans haine ! «
» Je me suis battu pour l’honneur des parachutistes «
Dessiné en 1948 sur du papier dó, ce portrait du Président Hô Chi Minh est le chef-d’œuvre du peintre vietnamien Phan Van Doan. Mais 1948, c’est aussi l’année où Pierre Flamen, originaire de Dordogne, débarque au Vietnam. Il découvre ce portrait en 1949 dans la province de Yên Bai et le ramène en France, en 1951, soit trois ans avant la bataille de Diên Biên Phu.
Soixante-dix ans après, Pierre Flamen décide finalement de remettre son portrait au musée Hô Chi Minh de Hanoï, et ce grâce à l’entremise de Hiêu Constant, une Française d’origine vietnamienne.

Eric De Verdelhan
Hommage aux héros de Diên-Biên-Phu.
« Nous pouvons désormais agir sur un terrain propre, sans la moindre tache de colonialisme.
Diên-Biên-Phu a été un bienfait caché … »
(Foster Dulles, porte-parole du gouvernement des USA, en novembre 1954).
Cliquez ici pour lire hommage d’Éric De Verdelhan à ceux de Diên Biên Phu dont son père
ERIC DE VERDELHAN
Éric de Verdelhan est né en juillet 1949, dans une famille « nombreuse et désargentée », dit-il, de la petite aristocratie cévenole. « Enfant de troupe » à 11 ans, il sert ensuite dans les parachutistes et s’initie au parachutisme sportif. Rendu à la vie civile, il entame une carrière d’inspecteur d’assurances, poste dont il gravira tous les échelons. Inspecteur général honoraire, il est diplômé de l’École Nationale d’Assurance et titulaire d’un 3ème cycle « Assurances » du CNAM. En dehors de ses activités professionnelles, il se passionne pour les sports de l’air (parachutisme, ULM, parapente). Il cultive d’autres hobbies : les voyages, l’histoire, les armes anciennes, la gastronomie et les vieilles motos. Politiquement, il se définit lui-même comme « nationaliste chrétien » et admirateur de Maurice Barrès.
En retraite depuis 2010, il se lance dans l’écriture par « devoir de mémoire ». Il publie en 2011 « Au capitaine de Diên-Biên-Phu » en hommage à son père. Puis, en 2012, « Requiem pour l’Algérie française » (épuisé), « Un homme libre » en 2013 (épuisé), en 2014 « Au capitaine de Diên-Biên-Phu » est réédité chez SRE-éditions à Annecy (www.sre-editions.com ). En 2015, il a publié « Le cœur chouan et l’esprit para » (déjà épuisé), livre dont le titre résume assez bien l’état d’esprit de l’auteur.
Les oubliés du Laos
Thierry Mauvignier
Les oubliés du Laos, ou les maquis d’Indochine. (50 mn.)
Réalisation : Thierry Mauvignier & Christophe Guyonnaud
Musique : Michel Duponteil
© TRELYS PRODUCTIONS/2008
Patrouille de choc 1956 INDOCHINE
HNA FIKHRLA (1h.30)
Claude Bernard-Aubert réalise en 1953 un film qu’il intitule « Patrouille sans espoir« . Ce titre ainsi que le montage final sont modifiés pour l’obtention du permis du visa d’exploitation. Le film sort donc en salle sous un nouveau titre « Patrouille de choc« et avec une nouvelle fin qui dénature totalement le projet initial. La version présentée rétablit le montage image et son original conçu par le réalisateur.

Cao Bang, les soldats sacrifiés d’Indochine
Octobre 1950. Épisode clé de la guerre d’Indochine, Cao Bang est la première grande défaite d’un pays colonisateur face à une armée de…
Durée 40 mn

Histoire d’une remarquable manoeuvre (M GOYA)
20 février 1918, une opération « commando » française géante en Lorraine.
La plus grande opération « commando », le terme n’est évidemment pas d’époque, de l’histoire militaire française a probablement eu lieu en février 1918 en Lorraine. Cela a été un succès remarquable de nos soldats. Vous ne le saviez pas ? C’est normal ! L’historiographie française sur la Grande Guerre ne s’intéresse généralement pas à ce genre de choses.

2023 est marquée par le 70e anniversaire de la fin de la participation du bataillon français de l’ONU à la guerre de Corée.
Une vidéo du SGA du ministère des Armées dédiée à l’histoire de ces soldats et aux initiatives mémorielles mises en place pour leur rendre hommage.
Histoire des Troupes de Marine en vidéo (15 mn.)
LYAUTEY, LE SOLDAT, POLITIQUE ET REBELLE.

Mémoire : 80ème anniversaire de la création du régiment de chasse « Normandie-Niemen »
1942-2022
« Sur la terre russe, martyrisée comme la terre française et par le même ennemi, le Régiment « Normandie », mon Compagnon, soutient, démontre, accroît, la gloire de la France ! »
« En rendant le dernier soupir, vous avez dit : « Vive la France ! » Eh bien, dormez en paix ! La France vivra parce que vous avez su mourir pour elle… » (Général Charles de Gaulle)
« … « Normandie-Niemen » sonne vraiment bien…. ce nom mêlant la France et la Russie, comme notre uniforme, qui est désormais celui de notre régiment pour toujours… » (Roland de la Poype, Compagnon de la Libération, héros de l’Union soviétique, pilote du « Normandie-Niemen »)
« En Avant » ! – les troupes de marine au cœur des combats
par Fréderic Bouquet (1h.05)
Commandé par les Troupes de marine, ce film donne la parole à des témoins de combat. De 1962 à 2010, de l’Afrique à l’Afghanistan en passant par le Liban et la Bosnie, 25 témoins du général au caporal, se livrent pour commenter ces moments particuliers… 6eCPIMa, 3eRIMA, 3eRPIMa, RICM… un demi-siècle d’histoire militaire, 50 ans d’engagements continus, parfois méconnus, des histoires vraies, intenses, au cœur de l’action, des témoignages inédits. Un devoir de mémoire.

Avenue du lieutenant Jacques Desplats
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