Actualités de la Défense

• L'illusion sécuritaire d'Israël : la faillite d'une nouvelle « ligne Maginot »

Le raid du Hamas le 7 octobre a plongé les Israéliens et de nombreux observateurs occidentaux dans la stupeur… Comment des terroristes à l’équipement limité ont-ils pu passer si facilement la frontière ultra-sécurisée qui borde la bande de Gaza ? Ce mur, fleuron de la technologie militaire, inauguré en 2019, a été construit au prix d’1,1 milliard de dollars. 6 mètres de hauteur, de barbelés, de béton et d’acier – une barrière « intelligente » car truffée de caméras, de détecteurs de mouvements jalonnée par des tours de guet bourrées de technologie. Le système de défense se prolonge en sous-sol pour contrer toute tentative d’infiltration par des tunnels… Pour certains, seul un complot pouvait l’expliquer. On sait que le Hamas avait réussi à endormir la vigilance des services israéliens. La foi dans cette « ligne Maginot 2.0 » a conduit l’état-major de Tsahal à déplacer ses meilleures troupes vers la frontière nord face au Liban et à la Syrie. Cette catastrophe démontre surtout, d’après N.S Lyons (voir l’essai sur son blog en lien), que les stratèges modernes se sont laissé aveugler par l’illusion technologique.

Le Colonel Vach, commandant de l’école de formation des officiers de Tsahal, s’était inquiété publiquement en 2019 : « La construction d’un tel mur rend la défense d’Israël rigide et laisse l’initiative à l’adversaire… ». Un fameux aviateur américain, le Colonel John Boyd (1927-1997) avait compris ce piège : « Des hommes, des idées, des machines… Dans cet ordre ! » avait-il l’habitude de répéter. Pilote de guerre en Corée puis commandant d’un groupe aérien au Vietnam, il s’est élevé contre l’obsession technologique de son pays. De grands cerveaux au Pentagone avaient décidé, à la grande joie du complexe militaro-industriel, que l’ère des combats tournoyants était finie. Il fallait développer des plateformes volantes capables d’écraser l’adversaire de loin sous les missiles et les bombes… Plus besoin de canons, au diable la manœuvrabilité ! Boyd a constaté le désastre quand les Nord-Vietnamiens ont opposé aux cigares volants U.S. les derniers petits MIG soviétiques, rustiques et légers. Alors que l’US Air Force affichait un score écrasant de 10 victoires pour 1 perte en Corée, le ratio est passé à 1 pour 1 en 1967… Les fameux F15 et F16 américains allaient naitre à la suite des préconisations de Boyd et de ses collaborateurs.

Le mur high-tech autour de Gaza n’a pas arrêté les ULM ni les motos des terroristes. Pire qu’inutile, on peut raisonnablement penser qu’il a affaibli la capacité de défense d’Israël : des troupes bien armées dans des casemates auraient assuré des pertes minimes. Faire confiance à des systèmes complexes est un piège : en cas de faillite (par exemple la neutralisation des communications par des drones armés) à un bout de la chaine, c’est toute la ligne de défense qui s’écroule. Les guerres ont fait avancer les progrès technologiques, procurant des avantages décisifs quand ils sont au service d’une stratégie et pilotés par des spécialistes. L’utilisation massive de drones bon marché en Ukraine et par le Hamas pour détruire des radars israéliens est un exemple d’une technologie militaire qui change la physionomie du champ de bataille. Au contraire, la ceinture bourrée de puces et de systèmes complexes érigée par l’État hébreu s’est transformée en piège.

La complexité rend un système de défense fragile comme elle sape les fondations d’un empire ou d’une civilisation affirme N.S. Lyons. On est à l’opposé du « too big to fail » cher aux grandes banques : la tour de Babel finit par s’écrouler sous son propre poids. Trop d’alliances et d’intérêts vitaux à travers le monde, trop d’ennemis font d’une « super puissance » une étoile déjà morte. L’OTAN semble minée par ce piège : un engagement massif en Ukraine suivi d’un autre au Moyen-Orient sont autant de témoins d’alerte qui clignotent. La Chine observe et pourrait être tentée d’avancer ses plans d’une annexion de Taïwan. Dans ce chaos mondial, l’administration américaine ne semble voir qu’une issue : réaffirmer sa puissance dans une fuite en avant (toujours plus de milliards déversés en Ukraine et des forces navales mobilisées au large de la Palestine). Comment tenir une ligne ferme sur le long-terme en Mer de Chine alors ? L’impression d’instabilité globale, de bouleversements voire de chaos diplomatiques correspond à une réalité que cette fuite en avant ne fait qu’accélérer.

N.S. Lyons recommande de revenir à un équilibre en adoptant la seule stratégie défensive qui ait fait ses preuves : concentrer ses forces sur un nombre réduit de points stratégiques tout en privilégiant l’humain comme la meilleure sentinelle possible armée d’outils simples et si possibles innovants… L’élection présidentielle américaine de 2024 pourrait au moins ralentir cette course folle. Mais l’histoire des empires démontre plutôt que seul un effondrement permet de défaire l’inextricable complexité des fils qui composent leurs toiles.

Ludovic Lavaucelle

• Proche-Orient : les mots justes au bon moment de M. Rober Habeck, vice-chancelier de la République Fédérale d'Allemagne

04 novembre 2023

Robert Habeck, vice-chancelier et ministre fédéral de l’Économie et du Climat, s’est exprimé le 1ernovembre 2023, dans une vidéo postée sur X, sur les terribles événements du Proche-Orient et sur la situation et les responsabilités en Allemagne.

On trouvera une version sous-titrée en anglais, arabe et hébreu ici.

C’est un discours d’une grande puissance, salué dans l’opposition par la CDU, dont voici la traduction à partir d’une transcription de la Süddeutsche Zeitung.

« Richtige Worte zur richtigen Zeit » (des mots justes au bon moment) est un résumé du Spiegel.

Il s’était déjà exprimé le 13 octobre 2023 dans une vidéo de près de 5 minutes (vidéo avec traductions en trois langues ici).

 

L’attaque terroriste du Hamas contre Israël a eu lieu il y a bientôt quatre semaines. Beaucoup de choses se sont passées depuis : politiquement, mais surtout pour les gens, tant de gens dont la vie est dévorée par la peur et la souffrance. Depuis l’attaque, le débat public s’est enflammé, parfois de manière confuse. Je souhaite contribuer à le démêler avec cette vidéo.

Trop de choses me semblent être mélangées trop rapidement. La phrase : « La sécurité d’Israël est une raison d’État allemande » n’a jamais été une formule creuse et ne doit pas le devenir. Elle dit que la sécurité d’Israël est nécessaire pour nous en tant qu’État. Cette relation particulière avec Israël découle de notre responsabilité historique : c’est la génération de mes grands-parents qui a voulu détruire la vie juive en Allemagne et en Europe. La création d’Israël a ensuite été, après l’Holocauste, la promesse de protection faite aux Juifs – et l’Allemagne a le devoir d’aider et de faire que cette promesse puisse être tenue. C’est un fondement historique de cette République.

La responsabilité de notre histoire signifie également que les Juives et les Juifs de l’Allemagne peuvent y vivre librement et en toute sécurité. Qu’ils ne doivent plus jamais avoir peur d’afficher ouvertement leur religion et leur culture. Or, c’est précisément cette peur qui est revenue.

Les enfants juifs ont peur d’aller à l’école

J’ai récemment rencontré des membres de la communauté juive de Francfort. Au cours d’une conversation intense, douloureuse, les représentants de la communauté m’ont raconté que leurs enfants avaient peur d’aller à l’école, qu’ils ne fréquentaient plus les clubs de sport, que sur le conseil de leurs parents, ils laissaient à la maison la chaînette avec l’étoile de David. Aujourd’hui, ici en Allemagne, près de 80 ans après l’Holocauste.

Ils ont raconté qu’ils n’osaient plus eux-mêmes monter dans un taxi, qu’ils ne mettaient plus d’expéditeur sur les lettres pour protéger leurs destinataires. Aujourd’hui, ici en Allemagne, près de 80 ans après l’Holocauste.

Et un ami juif m’a fait part de sa peur, de son désespoir pur et simple, de son sentiment de solitude. Les communautés juives recommandent à leurs membres d’éviter certains endroits – pour leur propre sécurité. Et cela aujourd’hui, ici en Allemagne, près de 80 ans après l’Holocauste.

L’antisémitisme se manifeste lors des manifestations, il se manifeste par des déclarations, il se manifeste par des attaques contre des magasins juifs, par des menaces. Alors qu’il y a rapidement de grandes vagues de solidarité, par exemple lorsqu’il y a des attaques racistes, la solidarité se fragilise vite lorsqu’il s’agit d’Israël. On dit alors que le contexte est difficile. Mais la contextualisation ne doit pas conduire à la relativisation. Nous avons certainement trop d’indignation dans notre culture du débat. Mais ici, nous ne serons jamais assez indignés. Nous avons besoin de clarté et non de flou. Et la clarté implique que l’antisémitisme ne peut être toléré sous quelque forme que ce soit.

L’ampleur des manifestations islamistes à Berlin et dans d’autres villes d’Allemagne est inacceptable et nécessite une réponse politique ferme. Celle-ci doit également venir des associations musulmanes. Certaines se sont clairement distanciées des actes du Hamas et de l’antisémitisme, et ont cherché le dialogue. Mais pas toutes, et certaines de manière trop hésitante, et je trouve qu’elles sont globalement trop peu nombreuses.

Il n’y a pas de place pour l’intolérance religieuse en Allemagne

Les musulmans qui vivent ici ont droit à une protection contre la violence d’extrême droite – à juste titre. Lorsqu’ils sont attaqués, ce droit doit être respecté et ils doivent faire de même lorsque des Juifs sont attaqués. Ils doivent se distancier clairement de l’antisémitisme afin de ne pas saper leur propre exigence de tolérance. Il n’y a pas de place pour l’intolérance religieuse en Allemagne. Celui qui vit ici, vit ici selon les règles de ce pays. Et ceux qui viennent ici doivent savoir que c’est ainsi et que cela sera appliqué.

Notre Constitution protège et donne des droits, mais elle impose aussi des devoirs que chacun doit respecter. On ne peut pas séparer les deux. La tolérance ne peut tolérer l’intolérance. C’est le cœur de notre cohabitation dans cette République. Cela signifie que brûler des drapeaux israéliens est un délit, tout comme louer la terreur du Hamas. Celui qui est allemand devra en répondre devant un tribunal, celui qui ne l’est pas risque en outre de perdre son statut de résident. Celui qui n’a pas encore de titre de séjour fournit une raison d’être expulsé.

L’antisémitisme islamiste ne doit toutefois pas faire oublier que nous avons également un antisémitisme consolidé en Allemagne : cependant, c’est pour des raisons purement tactiques que l’extrême droite se retient, afin de pouvoir s’en prendre aux musulmans. Relativiser la Seconde Guerre Mondiale, le régime nazi comme une « chiure de mouche » n’est pas seulement une relativisation de l’Holocauste, c’est une gifle au visage des victimes et des survivants.

Tous ceux qui écoutent peuvent et doivent le savoir. La Seconde Guerre Mondiale était une guerre d’extermination contre les Juifs. Pour le régime nazi, l’objectif principal était l’anéantissement du judaïsme européen. Et puisque parmi les extrémistes de droite, il y a quelques amis de Poutine : Poutine se fait photographier avec des représentants du Hamas et du gouvernement iranien et déplore les victimes civiles dans la bande de Gaza, tout en faisant des victimes civiles en Ukraine. Ses amis en Allemagne ? Ils ne sont certainement pas les amis des Juifs et des Juives.

Chaque enfant mort est un enfant mort de trop

Mais je m’inquiète aussi de l’antisémitisme qui règne dans une partie de la gauche politique, et malheureusement aussi chez les jeunes militants. L’anticolonialisme ne doit pas conduire à l’antisémitisme. En ce sens, cette partie de la gauche politique devrait revoir ses arguments et se méfier du grand récit de la résistance.

L’argument « d’un côté comme de l’autre » est ici trompeur. Le Hamas est un groupe terroriste meurtrier qui lutte pour l’extinction de l’État d’Israël et la mort de tous les Juifs. La clarté avec laquelle la section allemande de Fridays for Future, par exemple, l’a constaté, en se démarquant de ses amis internationaux, est plus que respectable.

Récemment, lorsque j’étais en Turquie, on m’a reproché qu’en Allemagne, les manifestations propalestiniennes étaient interdites. Et que l’Allemagne devait également appliquer ses exigences humanitaires aux habitants de Gaza. J’ai expliqué que chez nous, la critique d’Israël était bien sûr autorisée. Et qu’il n’est pas interdit de défendre les droits des Palestiniens et leur droit à leur propre État. Mais l’appel à la violence contre les Juifs ou la célébration de la violence contre les Juifs sont interdits – et à juste titre !

Oui, la vie à Gaza est une vie d’absence de perspectives et de pauvreté. Oui, les implantations de colons en Cisjordanie attisent la discorde et privent les Palestiniens d’espoir et de droits – et de plus en plus de vie. Et la souffrance de la population civile dans la guerre est un fait, un fait terrible. Chaque enfant mort est un enfant mort de trop. Je réclame moi aussi des livraisons humanitaires, je m’engage pour que l’eau, les médicaments et les biens de première nécessité arrivent à Gaza, pour que les réfugiés soient protégés.

Avec nos amis américains, nous ne cessons de faire comprendre à Israël que la protection de la population civile est essentielle. La mort et la souffrance qui s’abattent actuellement sur les habitants de la bande de Gaza sont graves. Le dire est aussi nécessaire que légitime. Mais cela ne peut pas légitimer la violence systématique contre les Juifs. Elle ne peut pas non plus justifier l’antisémitisme. Bien sûr, Israël doit respecter le droit international et les normes internationales. Mais la différence est la suivante : qui formulerait jamais de telles attentes à l’égard du Hamas ?

Le Hamas veut l’anéantissement d’Israël

Et parce que j’ai récemment été confronté à l’étranger à la manière dont l’attaque contre Israël du 7 octobre a été minimisée en tant que – je cite – « incident malheureux », voire même dont les faits ont été remis en question, rappelons-le ici encore une fois : c’est le Hamas qui a assassiné bestialement des enfants, des parents, des grands-parents dans leurs maisons. Ses combattants ont mutilé des corps, enlevé des personnes et les ont exposées à l’humiliation publique en riant. Ce sont des récits d’horreur pure – et pourtant le Hamas est célébré comme un mouvement de libération ? C’est une inversion des faits que nous ne pouvons pas laisser perdurer.

Et cela m’amène au dernier point : l’attaque contre Israël intervient dans une phase de rapprochement de plusieurs États musulmans avec Israël. Il y a les accords d’Abraham entre Israël et les États musulmans de la région. La Jordanie et Israël travaillent ensemble sur un grand projet d’eau potable. L’Arabie Saoudite était sur le point de normaliser ses relations avec Israël. Mais une coexistence pacifique d’Israël et de ses voisins, des Juifs et des Musulmans, la perspective d’une solution à deux Etats – tout cela, le Hamas et ses soutiens, notamment le gouvernement iranien, n’en veulent pas. Ils veulent le détruire.

Ceux qui n’ont pas abandonné l’espoir de paix dans la région, ceux qui tiennent au droit des Palestiniens à leur propre État et à une véritable perspective – et c’est ce que nous faisons – doivent maintenant faire preuve de différenciation en ces semaines de mise à l’épreuve. Et la différenciation implique que les actes meurtriers du Hamas visent à empêcher la paix. Le Hamas ne veut pas la réconciliation avec Israël, mais l’anéantissement d’Israël. Et c’est pourquoi la règle est immuable : le droit à l’existence d’Israël ne doit pas être relativisé. La sécurité d’Israël est notre obligation. L’Allemagne le sait.

• Kfar Aza, le massacre qui horrifie le monde

Les carnages perpétrés par les terroristes du Hamas dans les kibboutz et les localités du sud d’Israël ont semé l’effroi et suscité un soutien unanime en Europe et aux États-Unis. Yefimovich Ilia/DPA / ABACA

N.B. : en 1982 les camps palestiniens de Sabra et Chatila à Beyrouth, ont vécu la même horreur perpétrée par les « chrétiens libanais avec la complicité des forces d’occupation israéliennes.

Nul ne peut encore dire quelles seront les conséquences de l’onde de choc qui secoue la société israélienne. La seule certitude à ce jour, c’est qu’elle sera considérable. « Une chose semble déjà acquise : depuis ce samedi de sang, Israël n’est plus le même pays », nous raconte notre correspondant sur place.

La perception du Hamas a (irrémédiablement ?) changé. Les déclarations du président des États-Unis laissent penser qu’il sera traité comme le fut l’État islamique. Les efforts du mouvement pour afficher un visage présentable sur la scène politique internationale ont été réduits à néant par ses crimes contre l’humanité.

Les survivants des massacres commencent à s’exprimer. « J’ai toujours cru que le dialogue était possible, même avec le Hamas. Je me disais qu’après tout, les hommes sont des hommes. Mais ce qui s’est passé n’est pas humain. Ceux qui ont fait ça ne sont pas des gens avec qui on peut négocier. On ne négocie pas avec les nazis ni avec le groupe État islamique », dit l’un d’eux. Ce changement d’attitude semble se propager dans toute la société israélienne. Même les plus modérés réclament d’agir avec radicalité.

Au sujet de l’opération « Épées de fer », l’entrée des troupes dans la bande de Gaza, les citoyens sont lucides. Elle sera dure, coûteuse en vies, et aura des répercussions parfois négatives sur la scène internationale. Reste encore à préciser des objectifs clairs, condition obligatoire de la réussite d’une opération militaire. Le gouvernement Netanyahou ne les a pas encore fixés. Dans le pays, les regards et les conversations convergent dans sa direction : il est considéré comme responsable de cette débâcle.

• L'éditorial - Massacre en Israël : « La barbarie et la honte »

Yves Thréard. Le Figaro

Les témoignages les plus atroces, les images les plus insoutenables parcourent les médias et les réseaux sociaux. Des enfants martyrisés, des vieillards assassinés, des familles décimées. De sang-froid. On suffoque face à la barbarie. On convoque l’histoire, qui, croit-on à tort, ne se répète jamais : le massacre des Innocents, la Nuit de cristal, Oradour-sur-Glane… On cherche les mots pour qualifier l’inqualifiable, selon la formule consacrée. Formule commode et inappropriée, car le pire serait de ne pas dire. Ce serait cacher la vérité, nier que l’humanité puisse être mise en péril…

La guerre est une réalité terrible, mais on peut la comprendre, car elle a sa propre rationalité, disait en substance l’écrivain italien Primo Levi, rescapé des camps de la mort. À l’inverse, dans la haine, ajoutait l’auteur du magistral Si c’est un homme, il n’y a rien de rationnel. La haine qui s’est déchaînée à l’aube du 7 octobre, sortie tel un monstre de la bande de Gaza pour tout anéantir sur son passage à une échelle inédite, est celle qui anime le terrorisme islamique depuis des décennies. Comment imaginer qu’elle puisse être, ici, seulement la manifestation d’une quelconque revendication nationaliste ou territoriale ? Elle est aussi et surtout l’expression d’une volonté acharnée d’anéantir l’ennemi: sioniste, occidental, donc infidèle. Son mode opératoire est également la démonstration d’une lâcheté maintes fois constatée : celle qui consiste à tuer des civils, enfants et adultes, par surprise, dans le dos. De cette haine, le Hamas comme d’autres groupes ou États assassins parmi ses complices ont fait une arme pour fanatiser, instrumentaliser, criminaliser des foules et des exécutants, qu’ils affament par ailleurs.

Cette barbarie, qui devrait être considérée par tout le monde comme la négation du combat des Palestiniens, devrait aussi signer le suicide politique du Hamas aux yeux de tous. Il faut pourtant croire que non. Y compris en France, où les islamo-gauchistes, avec Jean-Luc Mélenchon, préfèrent se déshonorer en renvoyant dos à dos Israël et le Hamas plutôt que reconnaître l’évidence : un crime contre l’humanité.

• Le point sur les opérations - Israël reprend le contrôle de sa frontière avec Gaza

Les militaires israéliens déployés au sud du pays ont deux objectifs: combler les brèches dans le mur-frontière faites par le Hamas au moment de son assaut, et débusquer d’éventuels terroristes qui seraient restés derrière les lignes pour poursuivre les tueries. La région est passée au peigne fin et des combats sporadiques ont encore lieu.

Le génie israélien a déjà comblé quatre-vingts brèches. Un chiffre qui laisse songeur sur l’ampleur gigantesque de l’attaque du Hamas. Cinq cents objectifs ont été traités dans l’enclave par l’armée de l’air israélienne. Près de cent quatre-vingt mille Gazaouis sont déplacés, et la situation va empirer avec la coupe du gaz et de l’électricité. Des troupes déployées dans le nord du pays se préparent à recevoir un assaut du Hezbollah si celui-ci, qui appuya mollement l’attaque Hamas, décide de sortir du Liban.

Mohammed Deïf, l’effrayant fantôme de la terreur contre Israël

Mohammed Deïf au début des années 1990. HO Old

Ce monsieur est le chef de la branche armée du Hamas, et à ce titre l’ennemi numéro un d’Israël. Vous vous en doutez, des moyens considérables sont mis en place pour le neutraliser. Mais Mohammed Deïf est un fantôme et demeure insaisissable. Il est tellement discret que des experts du renseignement doutaient qu’il soit encore en vie. Nous disposons de trois photos de lui en trente ans.

C’est lui qui est toutefois considéré comme l’architecte de l’attaque terroriste contre Israël. Il l’aurait planifiée il y a deux ans, après avoir vu «les soldats israéliens mener un raid dans la mosquée al-Aqsa durant le mois de Ramadan en mai 2021, tabassant des femmes et des jeunes avant de les pousser hors du lieu saint musulman». Un ancien espion français, familier de Gaza, complète le portrait: « Deïf a des gens autour de lui d’une loyauté infaillible, qui lui ont permis de survivre parce qu’il est du bled, qu’il y a toujours vécu contrairement aux autres chefs qui sont dans les hôtels et que sa famille a payé le prix du sang, sa femme et ses deux enfants de sept mois et trois ans ont été tués par Israël en 2014.» C’est lui qui aurait lancé la stratégie des tunnels et des roquettes. Il entretient avec soin le halo de mystère qui l’entoure.

Retrait de l’armée française au Niger : N’Djamena et Douala pour la conduite du convoi : AFRICA

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HAUT COMITÉ D’ÉVALUATION DE LA CONDITION MILITAIRE

Les officiers

« Préparer la guerre, c’est préparer les chefs », Charles de Gaulle

Dans un contexte géopolitique particulièrement instable, marqué depuis février 2022 par le retour d’une guerre de haute intensité sur le sol européen, le Haut Comité a décidé de consacrer pour la première fois son rapport thématique à la condition militaire des officiers.

Les officiers assument la responsabilité d’ordres pouvant conduire, lorsque la mission l’exige, à frapper l’ennemi et le tuer et, par là-même, à exposer des camarades ainsi qu’eux-mêmes à la mort ou à la blessure. Ils sont, à ce titre, ceux sur qui pèsent le plus lourdement certaines sujétions de l’état militaire, en particulier la disponibilité et son corollaire, la mobilité.

Il est dès lors paru essentiel au HCECM d’examiner dans quelle mesure la condition militaire permettra aux forces armées de disposer demain des officiers dont elles auront besoin.

Le rapport a été remis au Président de la République le 13 juillet 2023.

Cliquez sur ce lien pour lire :

https://www.defense.gouv.fr/sites/default/files/ministere-armees/HCECM%20-%2017e%20rapport%20th%C3%A9matique%20-%202023.pdf

Très complet, ce rapport de 220 pages examine les différentes facettes de la condition militaire des officiers des trois Armées et explore des pistes de réflexions pour adapter celle-ci aux évolutions de la Défense.

Un point de vue intéressant sur l'organisation des armées faisant suite au rapport du HCECM

Par Laurent Lagneau

Lors de son traditionnel discours prononcé à l’Hôtel de Brienne, le 13 juillet dernier, le président Macron avait dit vouloir « repenser » le modèle d’organisation et de fonctionnement du ministère des Armées qui avait été mis en place « dans une période de réduction continue des dépenses pour la défense », avec la Révision générale des politiques publiques [RGPP], lancée à la fin des années 2000.

« Ce modèle procède d’une logique qui fait primer les économies sous couvert de rationalisation et de fragmentation budgétaire. Une logique qui ne place pas toujours ou pas assez la guerre au cœur de ces organisations ou de ces processus. Or aujourd’hui, ce modèle n’est plus adapté », avait ensuite estimé M. Macron. Et d’ajouter : « Je veux […] redonner les leviers d’action à ceux qui portent les missions en opérations comme au cœur des territoires, […] encourager la réactivité, faciliter la capacité à entreprendre, démultiplier les énergies, concentrer les volontés sur la réalisation de la mission ».

Le locataire de l’Élysée avait-il eu le temps de prendre connaissance du 17e rapport thématique sur les officiers que le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire [HCECM] venait de lui remettre ? En tout cas, le ministère des Armées vient de rendre public ce document. Et certains points qu’il développe font écho aux propos de M. Macron.

Par le passé, et à plusieurs reprises, le HCECM n’a pas ménagé ses critiques à l’égard des réformes ayant remis en cause le concept « un chef, une mission, des moyens » avec la création des « bases de défense », dont la finalité était de mutualiser le soutien de plusieurs unités implantées dans un périmètre géographique donné [1h à 1h30 de route], en concentrant sur un même site les services d’administration, de gestion, d’habillement, etc. « Les militaires rencontrés […] ont tous fait part de la déshumanisation et du flou qui caractérisent désormais les relations entre les militaires soutenus et le personnel administratif », avait-il avancé dans un rapport publié en 2014.

Si, depuis, des « espaces ATLAS » ont été mis en place dans les unités afin de rapprocher les soutenus des soutenant, le problème de fond n’a pas été réglé. Et la « persistance de difficultés dans le soutien de proximité pèse sur le moral des officiers et contribue à fragiliser leur fidélisation », avance le HCECM dans son dernier rapport thématique, lequel décrit des situations ubuesques…

« Les officiers en situation de commandement ont perdu des leviers d’action. Ils ne peuvent plus régler efficacement et surtout rapidement les problèmes du quotidien. Leur autorité en est directement affectée », explique-t-il.

« Cette situation engendre une lassitude des intéressés face aux dysfonctionnements de l’administration générale, détériore l’image du commandement en interne et nuit ainsi à l’attractivité du recrutement interne des officiers », poursuit le Haut Comité, en rappelant qu’il s’agit de l’un de ses principaux sujets de préoccupation car celui-ci est « systématiquement évoqué à l’occasion des tables rondes réalisées lors de ses déplacements et ceci, quelles que soient les catégories de militaires ».

Ces problèmes affectent notamment les écoles de formation initiale. Ce qui est « inquiétant », relève le HCEM, qui donne un florilège des difficultés dont il a eu connaissance. « On se bat pour avoir une imprimante, du papier, la délivrance de la carte SNCF, des tenues à la taille de l’élève… », rapporte-t-il. « Le plus dur, c’est de garder la motivation auprès de nos élèves qui nous voient batailler avec des sujets de soutien comme par exemple s’occuper de l’achat de produits d’entretien que l’on vous refuse », lui ont confié des officiers.

« Les autorités auditionnées par le Haut Comité sont conscientes de cette fragilité qui résulte d’une contrainte de moyens aux effets amplifiés par les réorganisations successives », relève-t-il, avant de souligner la « dynamique engagée par les armées, directions et services du ministère des armées qui vise à réduire les lourdeurs administratives, simplifier et fluidifier les procédures pour redonner une liberté d’action aux commandants de formations ». Aussi appelle-t-il à poursuivre de tels efforts.

Mais le soutien déficient n’est pas le seul facteur qui pèse sur le moral des officiers. En effet, le HCECM pointe également les « problèmes persistants de disponibilité des matériels hors opérations extérieures [OPEX], les effectifs insuffisants ainsi que les difficultés d’entraînement ».

« Le chef est conscient que le temps de l’entraînement est essentiel pour former et entretenir une capacité opérationnelle, d’autant plus lorsque l’on sert des systèmes d’armes de haute technicité. Or, si de nombreux efforts ont été réalisés pour « réparer » le niveau de préparation opérationnelle et améliorer la disponibilité technique des matériels, des difficultés peuvent persister », note le Haut Comité.

En effet, explique-t-il, « lorsque les parcs d’équipements sont affectés par des difficultés durables de disponibilité, cela se traduit par une réduction des possibilités d’entraînement tandis que l’intensification des engagements opérationnels accentue les difficultés à préserver les compétences tactiques collectives, voire individuelles, faute de temps disponible ».

Aussi, les officiers peuvent éprouver le sentiment de ne pas disposer des moyens suffisants « pour se former eux-mêmes pour entraîner les femmes et les hommes qu’ils commandent, ce qui n’est pas neutre sur leurs capacités opérationnelles », prévient le HCECM.

Le rapport prend ainsi l’exemple de la formation des personnels navigants de l’armée de l’Air et de l’Espace [AAE], affectée par la « disponibilité des matériels » ainsi que celle des instructeurs, du fait d’une « fort engagement opérationnel des cadres ». Résultat : « cela peut se traduire par un décalage de 8 mois dans la formation, en particulier pour les élèves officiers sous contrat ». Par ailleurs, le HCECM souligne que la « préparation opérationnelle sur matériel majeur demeure un point de préoccupation fort » pour l’armée de Terre et que, s’agissant de la Marine nationale, le nombre de jours de mer dédiés à l’entraînement des bâtiments de surface à diminué en 2022 et en 2023, « malgré une remontée ponctuelle en 2021 ».

« Le manque de moyens pour remplir les missions et l’insuffisance des moyens humains sont des motifs récurrents d’insatisfaction chez les officiers selon l’indicateur de mesure du moral », insiste le Haut Comité, avant de faire valoir que ces éléments sont « fondamentaux pour le moral et que la confortation de l’attractivité et de la fidélisation ne peut se limiter aux leviers relatifs à la rémunération et à la gestion des ressources humaines. »

Source : Zone Militaire

Nouveau : Le désarroi des militaires français face au retrait des troupes d’Afrique

Au-delà des arguments sécuritaires avancés pour y maintenir des soldats, le théâtre africain constitue un terrain prisé des états-majors

Élise Vincent pour Le Monde

Après deux mois de confrontation avec la junte nigérienne, l’annonce par Emmanuel Macron du retrait des quelque 1 500 soldats français déployés au Niger, le 24 septembre, est l’un des coups les plus rudes que l’armée française ait eu à encaisser ces dix dernières années. Même si des alertes existaient quant à la stabilité du régime de Mohamed Bazoum, le président nigérien renversé par les putschistes en juillet, rares sont ceux au sein de l’institution militaire à avoir anticipé que ce rejet de l’uniforme français serait aussi rapide, après les retraits du Mali en 2022, et du Burkina Faso en début d’année.

« Une page historique se tourne », confiait avec regret, quelques jours avant l’annonce du départ des militaires français, un général reconverti dans le secteur privé. « J’ai vu finir le monde ancien », lâchait un autre gradé, dépité, fin juillet, dans la foulée du coup d’Etat nigérien, en référence au livre de l’ancien journaliste spécialiste des questions internationales Alexandre Adler, décédé quelques jours plus tôt. Un inhabituel moment de désarroi au sein des cercles militaires face à un reflux de la présence française en Afrique qu’ils espéraient jusque-là évitable.

Cet attachement à l’Afrique, l’institution militaire l’a longtemps défendu, avec le soutien de l’exécutif, au nom d’enjeux de sécurité : lutte contre le terrorisme, la corruption, le trafic de migrants et, plus largement, contre la création de larges zones de non-droit. Avec la fin de l’opération « Barkhane » en 2022, et face à l’impossibilité de venir à bout de la menace djihadiste, ces visées sécuritaires se sont muées en souci de préserver une zone d’influence française, alors même que grandissaient les ambitions russes. Mais cette posture censée s’accompagner d’un effacement du militaire au profit de la diplomatie culturelle et économique, a entretenu malgré elle une forme de statu quo avec le continent.

Face au rejet grandissant de la politique française en Afrique et à son lot d’humiliations, des voix au sein des cercles de défense commencent toutefois à dénoncer en coulisse ce qui a toujours été une forme de tabou au sein des armées : le difficile décrochage du continent africain pour des raisons moins opérationnelles qu’organisationnelles. En clair, la difficulté à renoncer à un terrain d’entraînement rugueux mais pas trop exposé, francophone, permettant de faire tourner les troupes, les primes, et les postes de commandement, tout en contribuant au savant avancement des carrières.

Bascule compliquée vers l’Est

Des enjeux devenus plus importants ces dernières années, à mesure qu’est apparue une crise des vocations, particulièrement au sein de l’armée de terre – 700 postes n’ont pas été pourvus, en 2021. La pression sur le maintien des effectifs en Afrique s’est aussi paradoxalement renforcée depuis le début de la guerre en Ukraine. La bascule éventuelle de forces françaises vers l’Europe est aujourd’hui compliquée par le fait que beaucoup de pays du flanc Est sont déjà engagés dans de la coopération avec d’autres puissances : l’Estonie avec le Royaume-Uni, la Lituanie avec l’Allemagne, la Pologne et la Roumanie avec les Etats-Unis.

Si l’armée française est aujourd’hui parvenue à déployer des troupes – soit environ 1 300 hommes – en Roumanie et en Estonie, leur quotidien est surtout fait de surveillance et d’entraînement en coalition. A l’inverse, les missions africaines permettaient de confronter les troupes au combat, ce qui explique en partie la difficulté des états-majors à renoncer à ce terrain. Fut-ce au prix de morts (58 au Sahel entre 2013 et 2022) et de l’enfermement dans une monoactivité : la guerre asymétrique contre des groupes djihadistes sous-équipés. Le « savoir-faire » des missions expéditionnaires françaises a, en outre, longtemps soutenu l’industrie de défense, très dépendante des exportations.

Amertume générationnelle

« Les armées ont toujours pensé qu’elles pourraient s’en sortir en retirant peu de troupes d’Afrique. Le deuil sera difficile, la situation actuelle allait bien à tout le monde », résume un ancien militaire engagé en Afrique. « La balance entre les opérations extérieures en Afrique subsaharienne et les engagements en Europe de l’Est n’est pas inédite », nuance pour sa part Bénédicte Chéron, historienne et maîtresse de conférences à l’Institut catholique de Paris. « Elle structure la vie des armées à partir des années 1970, avec des tiraillements structurels, de formation, de doctrine, que les armées ont déjà connus, même si la donne se renouvelle évidemment aujourd’hui. »

L’amertume actuelle au sein des armées est en partie générationnelle. La hiérarchie de l’armée de terre, qui compte pour beaucoup dans les équilibres au sommet de l’institution, a traditionnellement toujours privilégié les opérations légères, menées par l’infanterie. Issus des premiers du classement de l’école de Saint-Cyr, les plus hauts gradés sont souvent plus attirés par les commandos parachutistes ou les troupes de marine que par la cavalerie ou l’artillerie. Or, ces régiments sont par nature plus soucieux de garder ouverts les canaux de coopération avec l’Afrique que de se lancer dans une guerre de positions avec la Russie sous l’égide de l’OTAN.

« Le dilemme, c’est que l’on sait ce que coûte éventuellement de quitter l’Afrique, mais on ne sait pas ce que l’on y gagne », observe un ancien coopérant. Mais le mouvement semble inéluctable. Avant l’été, le principe d’une réduction des effectifs militaires français du Gabon (300 soldats), du Sénégal (300) et de Côte d’Ivoire (900) avant la fin de l’année avait été acté après d’âpres discussions entre l’Elysée et les armées.

Pour mieux comprendre les événements récents au Gabon et au Niger…

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Coup d’Etat au Gabon.

Au pouvoir depuis 14 ans, le président sortant Ali Bongo a fait l’objet d’un coup d’Etat au Gabon, des militaires ayant annoncé la fin du régime en place. Le chef de l’Etat « est gardé en résidence surveillée, entouré de sa famille et de ses médecins », ont affirmé les militaires.

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Au Gabon et sur le continent, une France déboussolée

Avec le Gabon, c’est un pilier historique de la France en Afrique qui vacille. Une nouvelle fois, l’Élysée n’a rien vu venir dans l’une de ses anciennes colonies.

Laurent Larcher, La Croix le 31/08/2023 – Lecture en 2 min.

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Afrique réelle n° 167

Dans cette publication (ci-dessus en PJ) B. Lugan (ci-dessus en PJ) s’interroge : Pourquoi l’Afrique rejette-t-elle la démocratie ? et propose un dossier complet sur la guerre civile au Soudan.

Mali, retour à la case départ…

Le point de départ de l’actuelle guerre qui embrase le Mali, le Burkina Faso et le Niger n’est pas l’islamisme, mais la question de l’irrédentisme touareg. Le conflit a éclaté au mois de janvier 2012 dans le nord du Mali quand des combattants touareg mirent en déroute les forces armées maliennes. Les insurgés se réclamaient alors du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) qui avait été fondé au mois d’octobre 2011, deux ans donc après la fin de la quatrième guerre touareg. Le MNLA engerbait plusieurs mouvements touareg et son ossature était composée de membres de la tribu des Ifora qui avaient servi dans l’armée du colonel Kadhafi.

Avec le MNLA, en plus de la résurgence d’un conflit séculaire entre Touareg et sédentaires sudistes, c’était une nouvelle forme de revendication qui était formulée. Lors des quatre précédentes guerres, les Touareg s’étaient en effet battus pour obtenir plus de justice de la part de l’Etat malien dirigé par les sudistes. Au mois de janvier 2012, ils exigeaient tout autre chose, à savoir la partition du Mali et la création d’un Etat touareg, l’Azawad.

Or, pour des raisons classiques et plus qu’habituelles de rivalité entre sous-clans touareg, Iyad Ag Ghali, lui-même Ifora et chef des précédents soulèvements, avait été tenu à l’écart de la fondation du MNLA. N’acceptant pas cette éviction, il créa alors un mouvement rival dont les buts ethno-nationaux étaient les mêmes que ceux du MNLA. Mais, pour pouvoir exister, il le déclara islamiste. Début janvier 2013, Iyad Ag Ghali doubla le MNLA en lançant une offensive vers le sud, en direction de Mopti puis de Bamako. Le 8 janvier 2013 la ville de Konna fut prise et, le 11 janvier 2013, plusieurs colonnes se dirigeant vers le sud, furent « traitées » par des hélicoptères français. Le régime sudiste de Bamako fut alors sauvé d’une défaite annoncée, ce que les membres de la junte actuelle ont bien oublié…

Dès ce moment l’analyse française fut erronée. En effet, les « décideurs » français ne virent pas -ou refusèrent de voir- que l’islamisme n’était ici que l’habillage de la revendication touareg, qu’il n’était en quelque sorte que la surinfection d’une plaie ethno-raciale millénaire. Ceci fit que pour l’Elysée, Iyad Ag Ghali fut l’ennemi alors qu’en réalité il était la solution du problème et qu’il fallait prendre langue avec lui …Or, durant les années qui suivirent, la France refusa de comprendre cette réalité, le président Macron ordonnant même l’élimination de Iyad ag Ghali, ce que ce dernier  n’a pas oublié…

Or, avec le départ du Mali des forces françaises et de celles de l’ONU, le vrai problème, son cœur, est réapparu au grand jour, à savoir que ce n’est pas l’islamisme, mais l’irrédentisme touareg.  Entendons-nous bien, et je précise cela à l’attention de ceux qui  se font un plaisir de déformer mes propos, je ne parle ici que du seul nord Mali, non de la région des Trois frontières où la situation est différente car s’y superposent, ou s’emboitent, islamisme et problème peul.

En effet, et comme je n’ai cessé de l’écrire depuis des années, les abonnés à l’Afrique Réelle le savent bien, Iyad Ag Ghali qui est le chef historique des combattants touareg a constamment cherché à refaire l’unité des clans touareg autour de son leadership. Et il a réussi ! Les groupes armés touareg se sont en effet  regroupés dans le CSP-PSD (Cadre stratégique permanent- Pour la paix, la sécurité et le développement), qui inclut la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad), afin d’offrir un front commun face à l’armée malienne qui, avec l’appui jusque-là peu déterminant du groupe Wagner, tente de reprendre pied dans un Azawad dont elle avait été chassée en 2012.

Résultat, le 12 septembre dernier, à Bourem les forces armées maliennes ont subi une attaque meurtrière, là même où, au mois de janvier 2012, débuta la guerre qui est à l’origine de l’embrasement de toute la région. Quant à la ville de Tombouctou, elle est quasiment encerclée. Or, comme cette fois, les forces françaises ne viendront pas les sauver, les sudistes pourraient bientôt regretter d’avoir demandé le départ de Barkhane…

La longue histoire connait donc des résurgences naturellement ignorées par ceux qui prétendent définir la politique africaine de la France et qui portent la terrible responsabilité de l’humiliation que notre pays subit actuellement au Sahel et plus largement dans toute l’Afrique. Une longue histoire déroulée dans mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.

Splendeurs et misères de la stratégie française en Afrique

par CATHERINE VAN OFFELEN 18 août 2023

Un coup d’État de plus au Sahel. Un coup d’État de trop ? Au moment où une junte militaire renversait le président nigérien Mohamed Bazoum le 26 juillet dernier, Emmanuel Macron se trouvait à 18 000 kilomètres de là, à Nouméa, pour clamer que « la Nouvelle-Calédonie est française ». Hasard du calendrier, le symbole n’en est pas moins éloquent. Alors que le séparatisme menace l’Océanie française, l’influence française sur le continent africain se délite. Les attitudes hostiles à la France, tandis que la France essaie tant bien que mal de maintenir ce que le journaliste Jean-Claude Guillebaud[1] appelait jadis « les confettis de l’empire », vestiges mélancoliques d’une grande fête évanouie.

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