Le 20 août à 14 heures, l’importante garnison allemande de Castres se rend sans combattre face à des maquisards 10 fois moins nombreux. La résistance a de fait mystifié l’occupant…
Entre Mazamet et Castres, une stèle rappelle le combat du 19 août 1944, près de Labruguière, au lieu-dit » Cap-au-Vent « . « C’est symboliquement la première pierre de ce qui allait conduire à la reddition allemande, sans combat, de la garnison de Castres », pointe sur le site Valérie ErmosillaPietravalle, professeure d’histoire au lycée Barral, spécialiste de la résistance. Car ici, dans le Tarn, Haut-Lieu des maquis de la région adossés à la Montagne Noire avec au moins un millier de combattants militairement entraînés en majorité, c’est une remarquable » intox » qui a réussi le 20 août 1944, à partir de cette embuscade.
Le 17 août, deux jours après le débarquement de Provence, Hitler ordonne le repli des forces du Reich occupant le Sud-Est et le Sud-Ouest de la France. Ce samedi 19 août, à Mazamet, la garnison monte donc dans le train avec armes et bagages pour rejoindre Castres. Le Corps franc du Sidobre est prêt au combat. Le 14 juillet, un détachement a même défilé à Montredon-laBessonnié, applaudi par les habitants…
L’attaque du train de Mazamet
Sur le reculoir, les troupes allemandes n’en restent pas moins redoutables. « Il n’y a qu’une soixantaine de soldats à Mazamet, mais ils ont quatre canons ainsi qu’un important stock d’armes, de munitions et de vivres. La résistance veut donc les empêcher de rejoindre la forte garnison de Castres. En fin d’après-midi, Pierre Dunoyer de Segonzac, le « commandant Hugues » chef des FFI locaux, décide de l’attaque et la prépare avec ses maquisards renforcés par la compagnie « Marc Haguenau » issue du maquis juif des Eclaireurs israélites de France, à Vabre, et du commando
OSS américain parachuté le 7 août, précisions importantes pour la suite », souligne l’historienne.
En sept endroits, les maquisards coupent la voie pour ralentir le train de 44 wagons. Sur leurs gardes, les Allemands réparent au fur et à mesure.
« À 21h, François Lévy déclenche la charge de 18 kg de plastic qui immobilise le convoi. Un feu intense se déclenche et bloque les Allemands. Au matin le commandant Hugues fait pilonner le train avec ses deux mortiers. Drapeau blanc : les Allemands ont quatre morts, une douzaine de blessés, le maquis décompte 56 prisonniers », détaille Valérie Ermosilla-Pietravalle.
Un dialogue s’engage alors qui en dit long sur cette guerre, l’idéologie nazie et l’engagement méconnu de la résistance juive. « En passant près des prisonniers, l’un des maquisards juifs leur a crié en allemand ‘Je suis juif !’. ‘Non, ce n’est pas possible’, lui a répliqué un soldat. ‘Et pourquoi ce n’est pas possible ?’ ‘Parce que les Juifs ne sont pas des combattants’. ‘Qui t’a dit ça ? ‘. ‘Le Führer nous a toujours dit ça’… Pour ces prisonniers, la guerre se termine sur l’effondrement de la propagande antisémite », note l’historienne.
Ayant perçu l’angoisse de l’occupant qui sent le piège se refermer sur lui, les maquisards encerclant la ville ont également lancé, parallèlement, des pourparlers avec le commandement de Castres.
« Vous êtes encerclés »
Lors de sa venue à Toulouse, en juin dernier, Fabrice Grenard, directeur scientifique de la Fondation de la résistance, avait évoqué l’apport des commandos Britanniques et Américains dans la libération. « Parachutés dans les maquis, ils ont souvent eu un rôle important dans les redditions ». Castres en sera l’une des illustrations lors du coup de bluff des maquisards.
« Vous êtes encerclés, nous sommes plus de 3 000 et les Américains sont là » dit en substance le
capitaine Lamon au capitaine Mersh. » Les Allemands peuvent le croire. Ils ont tué deux Américains le 12 août, lors d’un accrochage du côté du Rialet « , rappelle la professeure.
En fin de matinée, le commandant Hugues rejoint la négociation. La reddition est signée à 14h chez Lamon.
« Mais côté allemand, le colonel Machts ne voulait pas se rendre aux FFI. Il voulait un officier allié. C’est là que la présence américaine a aussi aidé à cette capitulation sans effusions de sang. »
Les maquis juifs du Tarn
Au Militarial de Boissezon, incontournable musée pour la paix à 15 km de Castres, Alain Salvan montre l’étui du pistolet du colonel qui rappelle l’instant et les » 4 200 prisonniers, 88 officiers, 20 000 fusils et 7 canons ainsi mis hors de combat. »
Mais c’est une photo qu’on retient aussi dans le dossier de Valérie Ermosilla-Pietravalle : celle des maquisards du peloton » bleu blanc « . » Dès 1940, les éclaireurs israélites de France ont construit un premier noyau de résistance dans la Montagne noire puis le maquis de l’Armée juive s’y est constitué également, les deux rejoignant les corps francs. C’est un épisode méconnu, mais le Tarn fut aussi le cœur de la résistance juive armée en France », n’oublie pas l’historienne.
ALGERIE
Un siècle en photo par National Géographic
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