Mardi 4 mai 1954
Situation générale :
A deux heures du matin un assaut viet se déclenche sur l’ouest. Vers 4 heures le point d’appui « Huguette » 4 est submergé après une résistance féroce mais dès le lever du jour les Français contre-attaquent et reprennent le terrain.
Toutefois « Huguette » 4 est perdue la même nuit presque au moment où la 4/1er BPC du capitaine Trehiou se pose en parachute dans la fournaise et sous la pluie.
A l’est, réinventant la guerre des mines, le Vietminh cherche à faire sauter les galeries souterraines qui permettaient aux défenseurs d’« Eliane » 2 d’accéder à la crête en échappant aux coups.
Travaillant en petites équipes, en se dirigeant à la boussole, ils avancent comme des taupes.
Situation au 8ème Choc :
La journée est « calme », seule l’artillerie viêt se fait entendre par moments. Peut-être le calme avant la tempête ?
Si les combattants apprécient l’accalmie, les médecins eux, n’en ont pas.
Etat des pertes :
4 tués : Caporal-chef SAMYCHETTI, parachutistes de 1ère classe KERNIN, LAM MY et N’GUYEN VAN MAT.
1 blessé
LES TRANCHÉES DE L’ESPOIR
Témoignage du médecin commandant P. H. GRAUWIN :
On leur a dit : « L’antenne médicale, c’est tout droit. »
Tout droit, à chaque pas des blessés rien que des blessés. Il y en a partout.
« – Nous, on est arrivé parce qu’on peut encore marcher. »
En effet, je réalise soudain que depuis 1 heure, je n’ai pas vu un brancard. Pourtant la bataille fait rage, le vacarme atteint son paroxysme. Toutes les armes, tous les tubes tirent.
» Quelle heure est-il ? 6 heures du matin. «
Jamais le temps ne s’est écoulé avec une telle rapidité. Pour moi, la nuit a duré cinq épouvantables minutes. Le jour doit se lever, je me dirige vers le boyau central me collant contre la paroi. J’arrive à l’entrée nord.
Geneviève, inlassablement, distribue la boisson dans les abris, fait les piqures, parle doucement.
Je risque un regard vers « Éliane », je vois une immense fumée rien d’autre.
Entre « Éliane » et la rivière, une trentaine d’obus éclatent en même temps. A mes oreilles parvient le sifflement dense, proche des balles, leurs claquements à l’impact sont redoutables, innombrables.
Je vois arriver deux de mes infirmiers qui reviennent de l’extérieur : « Mon commandant on ne peut plus. On a essayé de faire les pansements et au moins un antitétanique à tout le monde mais, si on continue de proche en proche, on arrive chez les Viets. Il faut arrêter mon commandant ! »
Dans notre tranchée et celle du GAP, dans celle du 8e Choc, dans le boyau qui conduit au PC, dans toutes les tranchées qui aboutissent au réduit central, les blessés sont entassés en une file interminable. Assis ou couchés à même la boue, cette file ne s’arrête qu’au contact des Viets. Il y en a qui sont morts, ils sont enfoncés dans la boue. Ceux qui arrivent des points d’appui leur marchent dessus et les morts s’enfoncent un peu plus. Il y a non seulement les blessés mais aussi ceux qui n’ont plus rien à faire parce qu’ils ne savent plus où aller ni où se réfugier, ils n’ont plus d’armes.
Alors ils s’arrêtent. Ils sont usés, à bout de force. Ils s’assoient en queue de file dans la boue et s’endorment ».
Avenue du lieutenant Jacques Desplats
81108 Castres Cedex