Dimanche 25 avril 1954
Situation générale :
Après la chute d’« Huguette » 1 et le repli d’« Opéra », Giap poursuit son attaque sur « Epervier » mais celle-ci échoue. L’offensive des bastions nord s’achève. Certes l’artillerie viêt continue à harceler le camp, la DCA est plus dense que jamais, les travaux d’investissement continuent vers « Huguette » 4 et 5 mais il va y avoir tout de même une accalmie.
La bataille pour « Huguette » 1 a été meurtrière et a coûté un millier de tués et blessés dans le camp français, ramenant les effectifs combattants à 3 000 hommes environ. Diên-Biên-Phu ne dispose plus la moindre réserve de contre-attaque.
Sur « Epervier », le chef de bataillon Tourret commande ce qui reste de son bataillon, le 8e Choc : 400 hommes, augmentés de la 1ère compagnie du 5e B.P.V.N. du capitaine Bizard et de deux sections de Thaïs, soit 550 hommes au total.
Les « Huguette » 2, 3 et 5 sont passés sous le commandement du chef de bataillon Guiraud qui ne dispose que d’un petit bataillon de marche constitué à partir des rescapés des deux B.E.P., soit 500 légionnaires parachutistes, plus une compagnie de 140 Marocains aux ordres du capitaine Nicod, soit un total de 640 hommes.
Au sud des « Huguette », sur deux positions baptisées « Lily », le commandant Nicolas a regroupé le reste du I/4e R.T.M., 250 Marocains à peu près.
Le long de la Nam Youm, sur « Junon », se trouvent quelques 150 Thaïs Blancs du capitaine Duluat, appuyés par la ‘’compagnie de marche’’ de l’armée de l’air, 20 aviateurs sans avions aux ordres du capitaine Charnod.
A l’est de la rivière, « Eliane » 1, 2, 3 et 4 sont commandés par le chef de bataillon Bréchignac secondé par le chef de bataillon Botella. Il ne lui reste plus que 400 parachutistes du II/1er R.C.P. et 150 Vietnamiens du Bawouan, avec le capitaine Pham Van Phu. Plus sur « Eliane » 2, le I/13e D.B.L.E. du commandant Coutant avec deux compagnies qui se relaient toutes les quarante-huit heures sur la position. A peine 300 hommes.
« Dominique » 3 et « Eliane » 10, les deux points d’appui coincés entre les collines et la rivière, sont tenus par les 350 Thaïs du B.T.2 du commandant Chenel. Il dispose en outre de la dernière compagnie du III/3e R .T.A. du capitaine Filaudeau et des restes du 6e B.P.C. aux ordres du commandant Thoas. 350 hommes en tout.
Les derniers 3 000 combattants de Diên-Biên-Phu sont face au corps de bataille du général Giap, constitué de 30 bataillons et 35 000 combattants dont 25 000 recrues, venant des camps d’instruction de Bac Kan et du Tan Hoa, sans compter, bien évidemment les artilleurs et les travailleurs, 60 000 hommes de plus.
Situation au 8ème Choc
Prenant le repli de la 4ème compagnie du « 8 » pour de la faiblesse, les Viêts se précipitent le 25 avril dans ce qu’ils croient être une brèche. Ils sont pris en écharpe : à leur droite par la compagnie du capitaine Bizard, à cheval sur le drain entre « Huguette » 2 et « Épervier », à leur gauche par la 1ère compagnie du « 8 » et de front par les « Quad ».
L’attaque frontale « d’Épervier » par les viêts est un échec ; elle s’est enlisée dans tous les sens du terme car, en plus, le terrain est saturé d’eau.
Etat des pertes :
Le 25 avril, pendant l’attaque d’ «Épervier », les sergents Yves CHAPALAIN, Henri GRIGNON et Charles LENOBLE, le caporal-chef Robert NACKAERTS, le caporal André MARROIG et le parachutiste Henri RAY trouvent la mort.
Le parachutiste Bernard GOUBAN est tué par un obus sur « Epervier ».
Les 1″ classe Norbert OULAD et Maurice COURTY, blessés respectivement les 2 et 18 avril, meurent également ce jour-là.
Seize hommes sont blessés dont 2 sous-officiers : les sergents-chefs BOUCLY et Guy MARTIN qui succombera à ses blessures le 27. Il est le quatrième chef de la 2ème section de la 3ème compagnie tué au combat.
Parmi les blessés, le parachutiste Alain GRUSELLE ; emmené en captivité, mourra d’épuisement au camp 70 en juillet.
Henry Ray a, tout juste, dix-huit ans lorsqu’il décide de s’engager dans les parachutistes. Il a raté son certificat d’études et travaille depuis quelques temps dans une usine d’emballage. Son père est mort dans un accident de voiture, ses cinq frères et sœurs sont encore petits.
Sa mère est opposée à son départ, or il a besoin de son autorisation car il n’est pas encore majeur. Elle se laisse néanmoins convaincre et par faiblesse, comme elle dit, elle signe. Son frère veut le suivre mais elle refuse tout net.
Henri écrit à la maison, il est heureux chez les parachutistes. Il précise simplement qu’il risque de partir « là-bas » en cas de coup dur. Là-bas c’est l’Indochine. Henri est désigné avec un détachement.
Avant de prendre le bateau, il écrit cette lettre : « Chère Maman, il ne faut pas m’en vouloir pour mon départ mais j’en avais assez de mener une vie tranquille. C’était plus fort que moi. Alors comprends-moi maman. Je n’avais pas bien le choix. J’ai préféré risquer ma vie en Indo. Dis à Robert qu’il ne s’engage pas. Moi ça va mais ce n’est pas pour lui cette guerre (…) Grosses bises à tous les petits frères et sœurs. Riri ». Riri, Henri Ray est mort le 25 avril 1954 sur la position « Épervier » qu’il a défendue jusqu’au bout.
Quelques jours après, sa mère reçoit un télégramme apporté par deux gendarmes : « Deuxième classe Ray Henri, matricule 1461, décédé suite blessure le 25 avril 1954 à Diên Biên Phu. »
En 1986, des centaines de corps sont rapatriés sur la nécropole de Fréjus. M » » Ray espère alors retrouver le corps de son fils. Elle écrit des dizaines de lettres mais personne ne lui explique que les soldats de Diên Biên Phu sont disséminés un peu partout dans cette terre du bout du monde et qu’il est impossible de les retrouver et de les identifier. Aujourd’hui, la sœur d’Henri, Danielle, n’attend plus le corps de son frère, elle cherche simplement un de ses anciens camarades qui l’aurait connu là-bas.
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