Bataille de Diên Biên Phu

Journée du 14 avril 1954

Mercredi 14 avril 1954

Situation générale :

« Huguette » 6 est harcelé sans arrêt. Y résister encore s’avère quasiment impossible. Et le ravitaillement des fantômes qui persistent à s’accrocher à ce lopin de terre lunaire s’apparente à une véritable contre-attaque.

Situation au 8ème Choc

Dans la nuit du 13 au 14 avril, la 1ère compagnie du « 8 » du capitaine de Salins contre-attaque pour tenter une nouvelle fois d’occuper les emplacements ennemis afin de ravitailler « Huguette » 6. Une attaque violente menée par la section Bonelli est repoussée par des tirs puissants d’armes automatiques mais également par de l’artillerie et des mortiers, ce qui confirme bien l’importance que les Viêts portent à cet endroit.

La 8e compagnie du 2e BEP installée au sud d’« Epervier » dans les anciennes tranchées et blockhaus du 8′ BPC est relativement disponible bien qu’ayant connu également des pertes sévères lors de précédents ravitaillements du point d’appui. La section Bonnel est chargée de prendre en compte l’affaire abandonnée par la 1ère compagnie dès 10 heures du matin.

La mission logistique consistant à ravitailler « Huguette » 6 réussira une fois de plus, mais au prix d’un combat acharné et de pertes importantes pour le 2ème BEP (voir témoignage).

Etat des pertes :

Néant

Témoignage de L. BONNEL chef de section au 2ème BEP :

… « Je suis chargé de l’assaut avec l’ensemble de ma voltige renforcée par une partie de la voltige d’une autre section Je demande à Bonelli des tuyaux sur le terrain et sur l’adversaire. Bonelli vient d’être méchamment échaudé et indique qu’il n’y a pas d’autre solution que de passer à l’est du drain car ce dernier est entièrement truffé de mines et barré par des barbelés. Mais en face, il y a des armes automatiques (mitrailleuses et FM).

D’autre part, la zone d’assaut est également battue par des tirs venant de la droite à partir des positions viêts de « Dominique » 1 et de « Dominique » 2. Tout est donc difficile, un assaut sur un tel billard avec des servants d’armes automatiques déterminés en face, ce n’est pas une partie de plaisir. Il faudra battre des records de 200 mètres jusqu’à l’objectif. Bonelli se charge de faire donner le maximum d’appui de mortier de sa compagnie. Petre de son côté appuiera avec toutes les armes automatiques de la 8e compagnie mais malheureusement ces armes automatiques ne pourront couvrir que la gauche de la section d’assaut sans beaucoup d’efficacité d’ailleurs. Bonelli se charge également de pousser, dès la prise de la tranchée, des « PIM » avec des munitions des PM et des grenades.

Le dispositif d’assaut est très simple évidemment. Le sergent Kerder à gauche avec ses deux FM tentera de neutraliser au maximum la tranchée viêt, la voltige à droite, en essaim sur un véritable billard, ne peut plonger dans le drain qui pourtant offrirait un abri profond er large. Au bout de 100 mètres la réaction viêt est extrêmement dure : armes automatiques en face et à droite, mortiers de 60 et de 81 et, avant même que l’on soit à portée de grenades de la tranchée viêt, il arrive du 120 et du 105. Très vite les FM sont neutralisés, Reider est tué. Sur la droite, on fonce comme on peut, droit devant soi mais il y a pas mal de casse. Je suis touché au poumon par une balle venant de la droite mais je peux avancer et arriver sur le premier élément viêt. Sur l’objectif, nous sommes quinze hommes et nous manquons déjà de grenades et de munitions. Les Viêts ouvrent un feu intense de partout et les grenades pleuvent. Il est absolument impossible de se planquer, impossible de manœuvrer. Je donne l’ordre de décrocher et les voltigeurs valides foncent le long du drain. Je me retrouve auprès des deux FM, l’un est complètement « HS », le deuxième peut encore servir. Je le mets en batterie et vide tous les chargeurs qui se trouvent là. Le long du drain, les voltigeurs se replient. Le tir d’artillerie devient tellement intense que les voltigeurs, malgré mes hurlements « Pas dans le drain ; pas dans le drain ! », sautent les uns après les autres dans celui-ci.

Je suis de nouveau blessé, cette fois par un éclat de 105 au creux de l’épaule gauche, c’est terminé pour moi, je perds connaissance. Sans savoir au bout de combien de temps, Melzer, mon ordonnance, vient me chercher, me tire dans un trou plus profond et me met un pansement compressif sur la blessure soufflante par laquelle je respire. A ce moment, il est tué pratiquement sur moi. Peu après, je reprends conscience sous ce tir que ne faiblit pas et je vois des casques viêts qui apparaissent dans la tranchée que nous venons d’abandonner. Peut-être la peur, peut-être un sursaut d’énergie, je me lève et me traine jusqu’au drain et, comme mes voltigeurs, je me laisse tomber dedans. En titubant, j’avance en direction du sud. La section Bonelli m’aperçoit alors et fonce pour venir me chercher. Derrière un muret dans le drain, un sous-officier de ma compagnie me récupère ! le sergent-chef Frederici qui est chargé du canon 57 sans recul. Je suis transporté jusqu’au PC où se trouvent les lieutenants Petre et Bonelli ainsi que le médecin-lieutenant Madelaine. Les dernières paroles que j’ai entendues avant de perdre définitivement connaissance sont les suivantes :

Bonelli demande : « Est-ce grave Toubib ? » et la réponse de Madelaine: « Je ne pense pas qu’il puisse arriver jusqu’à l’antenne ! »

A partir de cette affaire, le combat est terminé pour moi, je ne verrai plus ma section. Je survivrai à la captivité après la chute de Diên Biên Phu grâce à mon camarade de promotion Roux du 1e BEP. »

Axe de contre-attaque pour ravitailler « Huguette » 6

Debout, le Lieutenant Dominique Bonelli et ses hommes à DBP

Avenue du lieutenant Jacques Desplats

81108 Castres Cedex