Bataille de Diên Biên Phu

Journée du 7 avril 1954

Mercredi 7 avril 1954

Situation générale :

L’attaque brusquée des positions périphériques a eu pour principal but la mise en place, à bonne portée de la zone de largage, d’une DCA représentée par trente pièces de 37 millimètres antiaérien. Du 15 au 30 mars, si l’adversaire a activement poussé ses travaux d’investissement, il a aussi manœuvré son artillerie et c’est en raison de cette manœuvre que la DCA s’est pratiquement tue. Mais à partir du 31 mars, elle réapparaît proche et redoutable. Tout largage de jour par Dakota devient impossible.

L’extraordinaire épopée des sauts de nuit de personnel, en plein combat, au-dessus du camp retranché de Diên Biên Phu, va commencer.

Ces personnels sont de deux sortes. Il y a les parachutistes brevetés qui sautent, soit en unité constituée, soit en maintenance individuelle. Mais il y a aussi les « volontaires d’un saut ». Ces volontaires sont destinés aux maintenances des unités non parachutistes qui voient fondre leurs effectifs sans espoir de remplacement. Ils ont été demandés à Hanoï dès le 20 mars et ils se sont présentés aussitôt par milliers.

Pourtant, des difficultés inattendues provoquées par des techniciens bornés qui prétendent breveter ces volontaires et font savoir que les sauts commenceront seulement début mai. En fin de compte la décision de largage sans brevet est tout de même prise, mais après dix jours d’épuisantes discussions radiophoniques.

Situation au 8ème Choc :

Inchangée

Renfort de 12 parachutistes aux ordres du sergent-chef Molle. Regroupés en base arrière à Cat Bi (à proximité d’Hanoï, ils ont sauté sur DBP dans la nuit du 6 au 7 avril).

Etat des pertes :

2 blessé

A Hanoï, embarquement des Volontaires pour Dien Bien Phu

Témoignages :

Para d’un saut :

 … « Il n’y a de bruit que le ronronnement des moteurs, la soute est à peine éclairée, les hommes sont rangés côte à côte, dos aux parois. Tous ont déjà pris l’avion mais jamais avec un parachute et des équipements de guerre sur le dos. A l’approche de la zone, la lumière s’éteint et une ampoule rouge éclaire alors ces visages qui prennent aussitôt une teinte étrange. L’appareil fait quelques écarts brusques, le largueur hurle quelques mots et fait lever les premiers, les autres suivent, les parachutes sont accrochés. Personne ne parle, l’avion passe dans quelques trous d’air ; peu habitués à cette position, les hommes sont déséquilibrés puis tout se rétablit.

Le largueur regarde par la porte furtivement, il est fébrile, il attend. Ses yeux se portent une dernière fois sur les ombres qui se dressent devant lui. Son visage est grave car il sait et il cherche comment faire un dernier geste de respect peut-être ou d’admiration. Soudain, d’un mouvement sans brutalité, il tire le premier vers la porte. En bas, dans le vide obscur, on aperçoit les éclairs furtifs des traçantes et les incendies. Le bruit des moteurs, même au ralenti, couvre celui de la bataille. Une sirène crache alors un son strident ; un feu vert s’allume ; un homme plonge vers l’enfer, un second le suit, un troisième trébuche, au sixième le largueur bloque tout, l’avion amorce un virage, il faut se cramponner. Il va y avoir un second passage puis un troisième, peut-être quatre… »

 

Arrivée dans un monde étrange :

 … « Deux heures plus tôt, un moniteur a aidé le « volontaire d’un saut » à endosser le harnais de ses deux parachutes :

« Le premier s’ouvre tout seul. Tu comptes jusqu’à trois, si tu tombes toujours, tu tires cette poignée à droite. C’est simple ! Compris ? » Quatre-vingt-dix minutes de vol, quatre-vingt-dix longues et interminables minutes. La cuvette s’annonce par les lueurs du combat. L’avion descend, le régime des moteurs baisse.

Le « volontaire d’un saut » s’est levé. Il accroche sa SOA au câble… « Go ! ». La chute libre, le choc. Il n’a pas eu besoin de compter jusqu’à trois. A quoi bon d’ailleurs ! L’altitude de largage, cent cinquante mètres, est telle que le temps manque pour faire le geste sauveur. Et il descend… Un choc, pas brutal. La nuit, l’air est porteur. Le harnais dégrafé, non sans peine, il regarde autour de lui. Il voit le spectacle qu’il avait vu de la porte de l’avion mais le fracas du combat a remplacé celui des moteurs.

Le souffle d’une « arrivée » de 105 le jette au sol. Couché, il essaie de s’orienter. Pas trace de vie, pas un homme sur cette « planète Diên Biên Phu » qui n’est plus la terre.

Que faire, où aller ? Il prend sa boussole : nord ? sud ? Mais pour pouvoir se diriger, il faut savoir où l’on est. Il part au hasard vers le sud. Voici un lacis de boyaux abandonnés qui conduit à une large nappe de barbelés. Minée ? Il longe le réseau. Un boyau souterrain le traverse. Il s’y engage.

Enfin, droit devant, une faible lueur : L’entrée d’un abri masqué par une toile de tente. Là, dorment des hommes harassés. « D’où sors-tu ? Ah ! Tu viens de sauter. Tu sais où aller ? » Et le « volontaire d’un saut » répond :

  • « On m’a dit au départ, regroupement à Épervier.
  • Épervier ? Ça tombe bien, c’est le PC de notre bataillon. On va t’y conduire. Contents de te voir arriver. Que dit-on de nous à Hanoï ? »

Et le « volontaire d’un saut » qui a peut-être quitté un bureau le jour-même, se retrouve soldat au 8° BPC dans les tranchées de Diên Biên Phu… ».

Renfort parachutiste (© ECPAD)

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