Bataille de Diên Biên Phu

Journée du 28 mars 1954

Dimanche 28 mars 1954

Situation générale :

La DCA vietminh, surtout par ses « 37» chinois, est un danger sérieux pour l’aviation. Aucun aéronef n’est à présent à l’abri en dehors des vols à haute altitude d’où les largages deviennent aléatoires même avec les ouvertures retardées.

Le colonel de CASTRIES décide de museler cette menace par une intervention en force. L’orchestration de ce raid devient l’affaire des parachutistes. Le capitaine BIGEARD dirige l’action. Les rôles semblent s’inverser : un capitaine met en œuvre des moyens qui sont généralement d’un niveau nettement supérieur. Deux bataillons, de l’artillerie, des chars et l’aviation. Des colonels assistent au briefing et derrière tout cela, l’ombre du lieutenant-colonel Langlais.

Le dimanche 28, au petit matin, le « 6 » quitte « Éliane » 4 et le « 8 » longe la piste Pavie jusqu’à « Huguette » 1 puis remonte le petit affluent de la Nam Youm, la Nam Pe Luong. À 6 heures, les 26 obusiers ouvrent le feu. La fumée et la poussière montent en l’air pendant que se lève le jour.

À 6 h 30, les deux bataillons démarrent et l’infiltration commence.

Très rapidement, les deux bataillons sont au contact et engagent le combat.

De son côté, le « 6 » se heurte à une résistance plus mordante que le « 8 ». Le capitaine TOURRET doit même passer ses chars pour que la situation se débloque.

A l’issue d’assauts répétés, les deux bataillons parviennent jusqu’aux positions des mitrailleuses lourdes, des 13,2 mm russes, mais manifestement, les canons de « 37 » sont en batterie plus loin, couverts précisément par ces mitrailleuses qui forment un premier rideau défensif. L’artillerie adverse les a maintenant localisés et elle commence un matraquage de plus en plus précis.

BIGEARD, estimant que le « 6 » a réussi à sortir du piège où il a failli se faire prendre, donne l’ordre de repli. TOURRET, quant à lui, n’a pas l’impression d’avoir tiré de l’action de son bataillon le meilleur parti possible.

Au total les deux bataillons ont vingt tués et quatre-vingts blessés. Ils font vingt-deux prisonniers et l’adversaire perd entre trois et quatre cents hommes. En revanche, aucune précision sur les mitrailleuses détruites, mais beaucoup de chiffres sont avancés, un peu hâtivement par Hanoï. Au plus près de la réalité, il semble que cinq « 13,2 » aient été détruites. L’armement récupéré avoisine la soixantaine d’armes lourdes et légères.

Pourtant, si l’objectif initial (la destruction des canons de « 37 ») n’est pas atteint, cette attaque-éclair a le mérite d’infliger assez de pertes à la division 308 pour qu’elle diffère un assaut prévu sur les « Huguette » 4 et 7

Situation au 8ème Choc :

La 4° compagnie du lieutenant DESMONS marche en tête. « L’affaire » prend la physionomie d’une infiltration méthodique où les qualités des commandants de compagnie se manifestent.

Aidées par des tirs de chars, souvent ralentis par des fossés, les unités se coulent dans le lit des ruisseaux et dans les bouquets de végétation qui parsèment les rizières. Elles poussent de l’avant en réclamant par intermittence l’intervention des mortiers du bataillon ou celle de l’artillerie.

L’ennemi en effet résiste avec énergie. Il ajuste ses tirs d’infanterie et d’artillerie sur tout ce qu’il voit et souvent ses mitrailleuses de DCA font du tir à terre.

Au moment où il aborde les premières résistances, le lieutenant DESMONS est blessé par une grenade qui éclate derrière lui et blesse deux de ses chefs de section, les adjudants CARESSE et BRILLARD, ce dernier atteint par un éclat derrière le genou. Cette blessure semble bénigne et BRILLARD n’en fait pas grand cas. Pourtant, en captivité, après la marche de la mort, la plaie s’infectera, la gangrène s’y logera et l’adjudant sera emporté en quelques jours.

La « 3 » du lieutenant BAILLY passe alors en tête, suivie de la « 2 » du capitaine PICHELIN. Le combat se durcit. En certains points, les Viêts refusent de lâcher pied et l’on en arrive au corps à corps. Le sergent-chef BAUCHET se souvient qu’avec son radio, il a assommé à coup de crosse et fait prisonnier un Viêt tapi au fond de son trou. Il a même ramassé un fanion d’unité viêt.

La 1″ compagnie de de SALINS et la « 2 » de PICHELIN passent à leur tour en tête pour continuer le nettoyage avec l’appui d’un char. L’ennemi abandonne des blessés. Le lieutenant ASTIER est grièvement blessé ; il terminera la bataille à l’infirmerie du bataillon. Désormais, la « 2 » n’a plus qu’un officier, le capitaine, secondé uniquement par des sous-officiers.

Etat des pertes :

3 tués : caporal BUI VAN HO, 1″ classe Pierre CORBRION et le parachutiste Claude BESLIN,

36 blessés dont deux officiers et neuf sous-officiers.

Témoignages

Pour le sergent GRAFFTE de la 4ème compagnie, c’est la première fois qu’il monte à l’assaut d’une tranchée tenue par l’ennemi :

« C’est la première fois aussi que nous fixons nos poignards US au bout de nos carabines et que nous nous en servons. J’ai le souvenir du caporal-chef VIVES l’enfonçant dans le crâne d’un Viêt lors de notre saut dans la tranchée.

Nous avons aussi été surpris du peu de pertes subies malgré 30 mètres de billard à franchir au milieu des balles de tous calibres, des grenades à fusil et même des roquettes de LRAC chinois de 90 mm ».

……………

Sergent LH LEGRAIN, 3ème compagnie

« On m’a raconté, qu’à un moment, progressant dans une tranchée, MATTEUCI arrive devant un blockhaus. Un Viêt affolé en sort, les deux antagonistes arment leur PM ; rien ne part, ni chez l’un, ni chez l’autre ! Vonvon DUBOIS, toujours lui, crie à son gars : « Gare-toi !! » L’autre s’écarte, le Viêt s’acharne sur son arme qui ne fonctionne toujours pas. Vonvon veut tirer à son tour à la carabine US, rien ne sort, juste un petit clic. Le chargeur est vide, il s’élance, veut embrocher le Viêt avec sa baïonnette au bout de l’arme, le Viêt s’esquive et la baïonnette va se planter durement dans une poutre du blockhaus, impossible de la retirer. Heureusement un troisième larron intervient et empêche le Viêt de nuire. Ils se sont mis à trois pour nettoyer le blockhaus et… retirer la baïonnette ! ».

Raid éclair contre la DCA.

En casquette, lieutenant DESMONS ; en toutes circonstances, il garde simplicité et spontanéité. Il est très apprécié de ses hommes et il a le sens du combat.

Progression vers l’objectif.

Eléments de la 2ème compagnie.

Une équipe de pièce avec une mitrailleuse Browning de 30.

Avenue du lieutenant Jacques Desplats

81108 Castres Cedex