Bataille de Diên Biên Phu

Journée du 25 mars 1954

Jeudi 25 mars 1954

Situation générale :

Inchangée.

Situation au 8ème Choc :

Poursuite du dégagement de « Dominique » 2 puis repli sur Epervier.

Etat des pertes :

17 tués : lieutenant Michel GARROUTEIGT, chef de la 2′ section de la « 3 » (tué en allant chercher un blessé) – le sergent-chef André LEGUENNEC tué par balle (il venait d’arriver au « 8 » en renfort et a tenté de forcer un passage battu par une mitrailleuse viêt sans tenir compte des conseils de ses hommes) – les caporaux-chefs Henri PRAT et Claude MARSAT – le caporal N’GUYEN VAN LUAT – les 1″ classe René LETOURNEL, Jean-Claude BEAUMERT, LAM-PHO, N’GUYEN VAN NAM et DINH THUT et les parachutistes Claude VAN HOVE, N’GUYEN VAN GIEM, N’GUYEN VAN KIEM, HOANG XUAM CHIEU, LE VAN LIEC et DO VAN GIAM.

57 blessés dont certains sérieusement atteints. Le parachutiste N’GUYEN CONQ THINH ne survivra pas à ses blessures et mourra le soir.

Témoignage du sergent P. FRANCESCHI / 2ème compagnie

« …Le 25 mars au matin, la « 2 » monte sur « Dominique » 2. C’est la plus haute et la plus importante des cinq collines à l’est. Nous ne savons pas que cinq jours plus tard, il nous faudra venir la reconquérir ! Elle est tenue par un bataillon de tirailleurs à trois compagnies. Depuis la chute de « Béatrice » le 13 mars, les Viêts ont aménagé la succession de collines à l’est de « Dominique » et « d’Éliane » que nous tenons pour servir de base de départ à une offensive contre ces dernières. Les prendre d’assaut, pour quoi ? Nous n’avons personne pour les conserver. Il vaudrait mieux matraquer les Viêts pour les dissuader d’y rester. Mais avec quoi ? Notre artillerie a été nettement surclassée et en partie muselée par l’ampleur de l’artillerie viêt.

Le bombardement aérien ? Là aussi, c’est insuffisant sans que le courage des pilotes ne soit nullement en cause ! Reste donc à faire prendre les positions de « vive force » par une compagnie de parachutistes, histoire de montrer aux Viêts qu’on a de la ressource et de les modérer dans leurs ambitions futures ; montrer aussi et surtout à ces braves tirailleurs qu’ils peuvent se battre sur leurs positions et que dorénavant, les parachutistes viendront à leur secours.

Depuis « Dominique » 2, nous dominons la colline qu’il nous faut conquérir. Les mortiers et l’artillerie doivent nous préparer le terrain, mais les Viêts, avec la capacité de tir énorme qu’ils ont montrée, ne restent pas inactifs.

CARRE a choisi des volontaires. J’en suis. La seule chose qu’il dit : « Vous êtes libres de refuser, mais si vous venez à la section d’assaut, il faudra aller où j’irai, parce que, pour les froussards qui ne me suivraient pas, il vaut mieux que je ne revienne pas ! » C’est clair, net et on sent une grande détermination chez tous. Et pourtant ce matin-là, pendant que nous nous mettons en place, j’ai l’impression que ma démarche n’est pas aussi assurée que d’habitude ; je me traite de tous les noms ; je ne connais pas encore la célèbre phrase que j’aurais pu m’appliquer : « Tu trembles carcasse, mais tu tremblerais plus encore si tu savais où je te mène ! »

Comme nous passons avec la SA dans les rangs de la compagnie pour gagner notre base de départ, le petit LETOURNEL, 1,60 mètre et 50 kilos à tout casser, a cette phrase qui détend l’atmosphère : « Salut les gars ! Ceux qui vont mourir vous saluent ». Il ne croyait pas si bien dire : peu de temps après, alors que nous fonçons comme des forcenés vers les tranchées viêts, je le vois, juste sur ma gauche, littéralement haché et en même temps comme porté par les rafales. Le Viêt qui s’acharne sur lui, nous a probablement épargnés, nous ses voisins immédiats ! C’est là que j’ai dû avoir le bras traversé par une balle, mais je n’ai rien senti sur le coup. Nous avons bondi par-dessus la première tranchée comme des bolides, en laissant tomber, au passage, la grenade que nous tenions à la main.

En effet CARRE avait établi la ligne de conduite suivante : « Ne pas tirer en donnant l’assaut, car on tire mal, on arrose les copains, on ralentit sa course et lorsqu’on coiffe l’objectif les chargeurs sont vides. Aussi, allons-nous procéder différemment : le PM d’une main, une grenade dans l’autre que vous dégoupillez au dernier moment pour la balancer dans la tranchée ou dans le trou et pas un cri. » C’est ainsi que nous surprenons les Viêts et que nous disposons d’un très court moment en notre faveur.

CARRE qui a pris ses ordres auprès du capitaine me dit : « Tu ramasses nos morts et nos blessés avec ta demi-section et tu rentres te faire soigner ! » Et comme je lui dis que ma blessure n’est pas grave et lui demande de désigner quelqu’un d’autre ; il me répond : « N’oublie plus jamais que c’est moi le chef et qu’on exécute ! Je me fous de ta blessure ! On n’a plus rien à foutre ici. Ne perds pas une seconde, je reste avec le patron et avec les autres ». Nous ne sommes pas encore arrivés sur « Dominique » 2 que le déluge commence ; je me demandais combien vont en réchapper ? Ce n’est que dans la soirée que la compagnie a été autorisée à décrocher. Les pertes ont été trop lourdes pour le résultat atteint. »

Chef de section du « 8 » sur « Dominique » 2 avec son groupe de commandement

Après le combat, les blessés du « 8 » se rassemblent sur « Dominique » 2 avant leur évacuation.

Sergent LEGRAIN 3ème Cie

Parachutiste de 1cl R. LETOURNEL 1ère Cie

Avenue du lieutenant Jacques Desplats

81108 Castres Cedex