L’opération « Castor » peut être considérée comme terminée lorsque le 5e BPVN (Bataillon Parachutiste Vietnamien) atterrit le 22 novembre 1953 sur ce qui va devenir le camp retranché de Diên Biên Phu. La zone est sécurisée sur l’espace voulu et les bataillons de parachutistes ont commencé à rayonner aux alentours à la recherche d’une éventuelle présence vietminh.
Les parachutages n’en continuent pas moins avec les tonnes de matériel nécessaires à la réparation de la piste d’aviation. Il faut poser des avions au plus vite pour acheminer les renforts et construire les points d’appuis.
A ce moment le souci du général Gilles, patron des TAP, est double. Reconnaitre au plus large autour du camp pour situer l’ennemi et mettre en œuvre l’opération Pollux, c’est à dire le repli des partisans de Laï Chau, à 80 km, sur Dien Bien Phu.
Echec et mat pour Pollux.
Il envoie 3 bataillons, vers le nord, à la rencontre de la principale colonne de partisans. Il pensait avoir du temps avant que Giap ne réagisse mais ce dernier a été très rapide. Non seulement les partisans vont être attaqués mais également les trois bataillons. Les accrochages sont violents et les paras se dégagent de justesse grâce à l’aviation. Nous sommes au 13 décembre, l’opération Pollux est un échec, sur 2101 supplétifs moins de 200 s’en sortent, même les familles ont été massacrées. La route du nord est désormais vietminh.
Dans cette première quinzaine de décembre, les 1er et 6e BPC, le 5e BPVN et le II/1er RCP sont rentrés sur Hanoï. Le 1er BEP et le 8e Choc restent sur place pour former le GAP 2, comme force d’intervention.
Les nouveaux arrivants sont 2 bataillons Thaïs, 2 de Légion, 2 RTA et les 105 HM2 du 10e RAC. Douze chars Chaffee sont en phase de remontage après leur transport par avion.
← Venant de Laï Chau, les partisans thaïs
La ballade laotienne
Dans la presse et en haut lieu, il est sous entendu que la garnison ne peut pas sortir du camp qui se transforme en piège vu le fort taux de concentration vietminh.
Pour prouver le contraire le commandement envoie le GAP 2 vers le Laos.
Au 8e Choc on appelle vite cela la « ballade laotienne ».
Le départ se fait le 20 décembre à minuit. Le 23 le GAP du LCL Langlais est à Sop Nao son point de rencontre avec le groupement laotien du colonel Vaudrey. Les chefs se serrent la main et tous s’en retournent aussitôt à leur point de départ. Le GAP est en mode allégé, musette, rations de survie et munitions et pour rentrer plus vite sur Dien Bien Phu, le lieutenant-colonel Langlais décide de prendre une piste en très bon état qui longe une belle rivière et passe aux pieds de falaises calcaires truffées de grottes.
Un élément de la « 3 ». La progression est très difficile mais les couverts assurent une meilleure sécurité que les pistes bien tracées et directes. →
Aussitôt le capitaine Tourret, patron du 8e Choc s’y oppose formellement et c’est l’accrochage entre les deux officiers. Les anciens se souviennent de noms d’oiseaux à la limite de l’empoignade.
Tourret l’emporte et le retour se fait par la montagne dans des conditions très difficiles. On saura plus tard que deux bataillons vietminh attendaient les paras à un endroit très favorable pour eux.
Noël 1953 se passe sous la pluie sur les crêtes mais les deux bataillons sont de retour le 26 décembre.
Cette opération baptisée « Régate » sera la seule tentative du genre.
Giap joue la prudence.
Dés le début de l’installation des français, le général Giap envoie en observation le général Hoang Van Thai avec des conseillers chinois pour évaluer la situation. Leur avis fut de lancer le plus tôt possible une attaque-éclair pour ne pas laisser aux français le temps de s’enterrer, de se fortifier et d’agrandir la piste d’aviation. L’attaque fut programmée pour le soir du 25 janvier 1954 mais, 6 heures avant son déclenchement, Giap ordonne l’arrêt des opérations.
Il ne se sent pas prêt, les canons ne sont pas tous en place et des troupes sont encore en marche.
Á la recherche du viêt.
Dés janvier le BEP et le 8e Choc sont envoyés régulièrement en reconnaissance dans toutes les directions pour situer les positions adverses mais au fil des semaines ils peuvent aller de moins en moins loin car les divisions de Giap sont de plus en plus prés.
Le 31 janvier le GAP et deux bataillons Thaïs partent en reconnaissance dans le massif montagneux du nord-ouest qui domine au plus prés les positions françaises.
Les objectifs de la journée sont atteints sans encombre. Ce sont des villages ou des points cotés. La nuit se passe en point d’appui fermé. Le 8e Choc est avec le 2e bataillon thaï.
Le 1er février la progression reprend vers le nord. A 13 heures c’est l’accrochage: la « 2 » se heurte à une résistance fortement retranchée dans une jungle épaisse. Il est impossible d’aller plus loin, c’est le repli mais les renseignements recueillis sont inquiétants.
Les viets sont nombreux, bien retranchés, pas loin et dotés de canons.
Un sergent de la « 2 » rend compte qu’il a bien vu, avec son groupe, un canon de 105 dans un tunnel lors de l’accrochage, c’est l’officier renseignement de l’état-major qui recueille ses observations.
← Le sergent Franceschi qui a vu un canon, blessé dans l’accrochage.
Malheureusement lorsque le colonel de Castries est informé il a ces mots : » Ces parachutistes sont prêts à dire n’importe quoi pour avoir une citation ! »
Les chefs ne croyaient pas aux canons vietminh !
Les reconnaissances se poursuivront jusqu’au déclenchement de la bataille mais les « délais de route » avant d’être accrochés seront de plus en plus courts !
Le 13 mars à 17H30, comme l’a dit le sergent Legrain de la « 3 », retentit la « Grande symphonie barbare ».
J. Antoine
Avenue du lieutenant Jacques Desplats
81108 Castres Cedex