TEMOIGNAGE D’UN CDG ERYX GTD CHIMERE

15 Mai 2021, 5h30, le dispositif d’embuscade est en place, les 120 parachutistes de la 4e compagnie se sont infiltrés durant toute la nuit à bord de leur blindé et ont verrouillé les accès du village de « KOBOU ». Depuis maintenant 60 jours ils traquent les GAT ou les « fantômes » comme les appellent leurs camarades Maliens, cet ennemi extrêmement mobile qui connait parfaitement le terrain peut se « dé silhouetter » en berger ou en paysan a tout moment, ce qui le rend particulièrement insaisissable. Le 3e groupe de la 3e section a pour mission d’assurer la sûreté immédiate des pièces mortier de 81mm un peu plus en retrait du reste de la compagnie. Profitant de la fraîcheur matinale, les soldats du groupe se reposent à même le sol sous l’œil attentif de la sentinelle qui surveille les alentours.

A 6h30 de nouveaux ordres sont donnés à la radio, le dispositif d’embuscade a probablement été décelé, le capitaine change de stratégie, il faut abandonner le dispositif statique pour un autre beaucoup plus mobile et aller chercher le GAT là où il s’est caché. Les uns après les autres les groupes commencent leurs patrouilles légères d’observation dans toutes les directions.

Il est 7h00 quand c’est au groupe de réserve de partir à son tour en patrouille, les paras se préparent pour leur sortie : armement, munitions, optique, eau, GPS, tout est vérifié et prêt. Les ordres sont donnés, un dernier brief autour d’une caisse à sable permet à chacun de visualiser le terrain et de comprendre le déroulement de la mission.

A 7h30 l’élément de tête marque un arrêt, la première prise de la journée, une moto dissimulée dans des buissons : vecteur principal des fantômes, grâce à elles ils se déplacent sur tous les terrains, avec rapidité et discrétion. En plus du coût matériel porté aux GAT, la découverte de cette moto permet de confirmer la présence de l’ennemi aux alentours, la tension monte d’un cran pour la patrouille qui reste concentrée. Quelques minutes s’écoulent avant que l’un des éléments du groupe n’entende un bruit de moteur au loin, les comptes rendus sont faits rapidement, le groupe ajuste sa formation et précise le renseignement. Sortant d’une zone boisée à quelques centaines de mètres, deux hommes enturbannés armés d’AK47, sur une moto, quittent à vive allure une zone d’où ils ont été probablement chassés par une autre patrouille de la compagnie. Les deux djihadistes s’approchent sans se douter du piège vers lequel ils se dirigent, ils ne se trouvent plus qu’à environ cent mètres lorsque j’ordonne d’ouvrir le feu.

Les deux hommes tombent immédiatement à terre lorsque la moto explose en relâchant un panache de fumée noire. Les parachutistes maintiennent la pression sur l’adversaire par un feu continu alors que ce dernier tente de rompre le contact, profitant de la moindre termitière ou bosquet pour se camoufler. De l’autre côté les paras chargés à plus de 35kg sous un soleil de plus en plus écrasant s’élancent vers l’avant, effectuant des bonds, s’appuyant mutuellement. L’objectif est d’empêcher l’ennemi de rejoindre la zone boisée dans laquelle il redeviendra un fantôme. La pièce FM est mise en batterie pour appuyer la progression du groupe qui continue de gagner du terrain.

L’ennemi est tenace et rapide car il parvient miraculeusement à rejoindre les couverts ; la patrouille atteint l’endroit où les fantômes se sont évaporés. Les djihadistes ont tout laissé derrière eux : moto, armement, transmission, il a même été contraint de fuir sans ses chaussures.

La traque se poursuivra jusqu’à 13h sous une chaleur écrasante de plus de 50 degrés ; Le groupe aidé par le reste de la compagnie suivra les traces de sang, laissées par l’ennemi en fuite, sur plusieurs kilomètres, ratissant et fouillant bois et villages en vain. Nous apprendrons néanmoins, via nos camarades FAMA qui écoutent les communications de l’ennemi, que les deux GAT ont été touchés, l’un d’entre eux décédant de ses blessures dans l’après-midi. 

En fin d’après-midi l’ordre est donné de re-motoriser et de quitter la zone pour se repositionner à quelques dizaines de kilomètres de là, où la chasse reprendra, laissant cette fois moins de chance aux terroristes.

 

SGT R            

CDG Eryx – 4ème Cie / 8ème RPIMa

GTD CHIMERE – Barkhane 2021

Avenue du lieutenant Jacques Desplats

81108 Castres Cedex