Le bonnet de police dans l’armée de Terre de 1891 à nos jours

60 ans après la dernière description réglementaire, le bonnet de police, familièrement appelé calot, fait son retour dans l’uniforme de l’armée de Terre. Remplacé par le béret au sortir des guerres coloniales, il demeure tapi dans les traditions et la nostalgie de nos anciens. Avant toutes choses, redonnons au calot sa place sur le bonnet de police :

Ses origines sont à chercher dans la coiffure de repos ou de salle de police (locaux d’arrêts) des soldats du XVIIIe siècle, taillée dans la jambe d’un pantalon usagé et repliée sur la tête à la manière d’un bonnet de nuit. Le règlement du 25 avril 1767 peut ainsi être considéré comme sa première description réglementaire : il se porte la pointe soit pendante, soit repliée dans les flancs. En 1791, le modèle dit à la dragonne des troupes à cheval est généralisé au détriment du pokalem. Il demeure ainsi jusqu’à la révolution de juillet 1830, où la pointe est coupée, le calot cousu en son sommet où y pend une floche.

Le képi de petite tenue l’évince en 1874. La décision du 22 juillet 1891 introduit une calotte de campagne et de corvée pour la cavalerie. Son port est étendu à titre d’essai à tous les autres corps, le 31 décembre 1897. Ne comportant aucun signe distinctif hormis le grade, il est courant d’y apposer une patte de collet, une grenade ou un cor de chasse suivant son arme. Les officiers et adjudants peuvent se faire confectionner cette coiffure, parfois de forme Empire, en drap fin, agrémentée du passepoil et des galons à la couleur distinctive de la subdivision d’arme. Il est par la suite adopté par la gendarmerie en 1895, puis l’infanterie de marine en 1899.

Durant les premiers mois de guerre, il est fabriqué en velours côtelé marron, puis bleu horizon, le 28 mai 1915. Le 31 juillet 1915, il est provisoirement abandonné au profit d’un béret alpin en drap bleu horizon. Les troupes coloniales et d’Afrique, équipées en drap de nuance moutarde portent le modèle assorti. La mode du calot Empire, initiée par les officiers avant le conflit se généralise : elle conduit à l’adoption du modèle 1918, qui a aussi l’avantage d’être plus simple à confectionner. Ce dernier est destiné à tout l’effectif ne portant pas le béret ou la chéchia. La décision du 6 novembre 1921 met un terme au bleu horizon, mais seulement après épuisement des stocks existants : à la mobilisation de 1939, certains régiments en sont encore pourvus. Le kaki n’apparaît véritablement en métropole qu’avec la fin des années 20 chez les officiers et adjudants.

Au même moment, les tailleurs militaires arrondissent les pointes et le calot adopte un profil moins proéminent. Au sein des corps, il se pare du numéro du régiment, d’une patte de col usagée, d’une ancre de marine ou d’un nœud hongrois. Un modèle bleu foncé à passepoil jonquille, souvent porteur d’un cor, devient réglementaire au sein des chasseurs à pied à partir de 1936. La généralisation de l’usage des galons de combat incite certains soldats à les coudre sur le côté gauche de leur calot devançant les mesures réglementaires de l’après-guerre.

En juin 1940, le bonnet de police est la coiffure généralement conservée par les prisonniers. L’armée d’armistice développe son modèle en 1941, inspiré du modèle 1918 mais aux bords croisés sur la droite devant et derrière. Le calot connaît aussi la clandestinité au sein des divers maquis et bataillons des Forces françaises de l’intérieur (FFI), avant d’incorporer la 1re armée française lors de l’amalgame de 1944. Auparavant utilisé au sein des Forces françaises libres (1er bataillon d’infanterie de marine et 1er spahis) pour se distinguer de l’armée d’armistice, puis au sein du corps expéditionnaire en Italie, le bonnet de police aux couleurs de traditions apparaît en réaction à l’uniformité des tenues fournies par les alliés, reprenant la forme du modèle 1918 fantaisie en drap de couleur avec un soufflet au sommet et un passepoil distinctif.

L’Ordonnance américaine prévoit, quant à elle, d’équiper les troupes françaises de calots américains avec des cocardes bleu blanc rouge. Voulant affirmer son indépendance, l’intendance crée une nouvelle tenue de combat et de sortie en 1944. Le calot y adopte une forme banane très américaine en drap kaki orné d’un passepoil distinctif.

Le bulletin officiel (BO) du 14 novembre 1946 décrit un bonnet de police en drap aux couleurs de l’arme. Plusieurs insertions au BO et notices techniques amendent ce règlement originel. Les troupes coloniales, disposant d’une intendance propre, adoptent un modèle approchant dès 1947 (BO du 10 janvier 1949). Enfin, le millésime 1957 officialise l’usage des calots de fantaisie de forme banane. En 1964, le béret bleu foncé le remplace officiellement. La gendarmerie pour sa part n’a jamais abandonné le bonnet de police.

L’instruction n°10300 du 13 juin 2005 remet au goût du jour le calot en tant que coiffure de tradition. Porté dans les corps de troupe dans le cadre d’activités de cohésion, il comporte souvent le numéro ou le symbole du régiment et, parfois deux boutons de képi ou de gilet d’arme sur le pli avant. Les troupes de marine reprennent le modèle de leurs aînés de la 1re DFL qu’ils « pipotent ». Dans les faits, les bonnets de police de traditions sont souvent affublés de divers pin’s : cette mode, née d’un mimétisme avec les faluches des écoles de médecine et autres écoles civiles, donne un résultat parfois discutable.

Dernièrement, le général chef d’état-major de l’armée de Terre a décidé de réinstaurer le port du bonnet de police dans le cadre du service intérieur pour les formations ne disposant pas de coiffure spécifique. Une nouveauté majeure apparaît pour les généraux : un modèle noir et blanc en rupture avec le modèle kaki d’autrefois. L’évolution de nos armées a conduit certains services ou corps à quitter la sphère d’influence de l’armée de Terre et à adopter la tenue interarmées.

Avenue du lieutenant Jacques Desplats

81108 Castres Cedex